Dialogue social : la Poste fait le tri dans le rapport Kaspar
Dans son diagnostic sur la qualité de vie au travail à La Poste, Jean Kaspar recommande d'associer les salariés aux choix organisationnels. La direction propose des créations d'emplois. Ce que certains syndicats jugent insuffisant.
A la suite de plusieurs suicides de salariés, la direction de La Poste avait mis en place en mars dernier un "grand dialogue" sur la qualité de vie au travail1 . Dans les faits, une commission, présidée par l'ancien secrétaire général de la CFDT Jean Kaspar, avait été chargée d'établir un diagnostic. Celui-ci a été communiqué le 11 septembre dernier au président du groupe La Poste, Jean-Paul Bailly.
Dans son rapport, Jean Kaspar insiste sur les "conflits de valeurs" des postiers entrés dans l'entreprise comme fonctionnaires et qui se trouvent désormais insérés dans une économie hyperconcurrentielle : gains de productivité, rationalisation des effectifs, organisations de travail tendues. Plaidant notamment pour un "desserrement de la contrainte sur les effectifs", il préconise par ailleurs la mise en place de plusieurs chantiers "au service du bien-être au travail" : rénovation du dialogue social, participation des salariés et de leurs représentants à la réflexion sur les organisations de travail, lancement d'une concertation sur les normes et cadences, prise en compte du vieillissement de la population dans l'organisation et les méthodes de travail...
Dans la foulée, la direction de La Poste a annoncé le lancement de négociations, mais aussi une série de dispositions pour la qualité de vie au travail avant même d'avoir rencontré les syndicats. De quoi surprendre ces derniers. "La direction affiche sa volonté d'ouvrir les négociations, alors que nous apprenons par un communiqué de presse les mesures retenues, déplore Aurore Taupin-Palayret, postière et responsable fédéral CGT. Cela présage plutôt mal du futur dialogue social." Pour le syndicat Sud PTT, ces annonces restent largement en deçà des attentes des postiers : "La direction n'envisage pas de remettre en cause les organisations de travail, à l'origine du mal-être et des risques psychosociaux à La Poste", estime Pascal Panozzo, responsable du syndicat. La fédération CFDT considère, pour sa part, que les mesures sur l'emploi vont dans le bon sens.
Vers une reprise des restructurations ?
La direction de La Poste a en effet annoncé le recrutement de 5 000 agents supplémentaires d'ici 2014, prioritairement des jeunes en alternance. Au total, elle prévoit d'embaucher 15 000 personnes au cours des trois prochaines années, au lieu des 10 000 initialement prévues. Mais les syndicats de postiers CGT, Sud et FO considèrent que ces embauches seront loin de compenser les départs. "La Poste a supprimé 10 000 emplois l'année passée et nous en sommes déjà à 4 000 suppressions pour le premier semestre 2012", souligne Pascal Panozzo. "Le niveau de productivité demandé est tel que les capacités physiques et psychiques des personnes sont déjà dépassées", dénonce de son côté Jean-François Aussel, de la fédération FO.
Les syndicats, qui n'avaient toujours pas, fin septembre, de calendrier fixant l'ouverture des négociations, craignent en parallèle une reprise des restructurations, gelées depuis mars. Selon eux, plusieurs expérimentations de "conduite du changement" ont été menées au cours des derniers mois. "La direction expérimente localement de nouvelles organisations du travail sans aucune concertation", s'inquiète Pascal Panozzo.
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Voir "Poste stressante", Santé & Travail n° 79, juillet 2012, page 6.