Le CES donne son avis sur la médecine du travail
Un récent avis du Conseil économique et social sur l'avenir de la médecine du travail propose entre autres la gouvernance de celle-ci par la Sécurité sociale et de nouveaux droits et devoirs pour les employeurs comme pour les médecins.
Quel avenir pour la médecine du travail ? C'est au tour du Conseil économique et social (CES) de poser la question. Dans un avis proposé par Christian Dellacherie, du groupe CGT, et voté fin février, la section " travail " du CES dresse un bilan plutôt négatif du rôle joué par cette institution. On peut ainsi lire dans les premières pages que le système de santé au travail apparaît " peu efficace au regard de ses objectifs de préservation de la santé des travailleurs ". Quant à la réforme en cours, elle " n'a pas encore permis de lever les ambiguïtés qui la caractérisent [la médecine du travail, NDLR] depuis son origine, ambiguïté entre médecine de sélection et médecine de prévention, entre "médecine d'entreprise" et médecine de santé publique ".
Une position de compromis. Fort de ces constats, le CES estime qu'" il ne s'agit pas de promouvoir une "énième" réforme, mais bien de permettre l'accomplissement plein et entier du processus engagé ". Pour ce faire, il propose de " garantir une véritable prise en compte et un suivi des préconisations du médecin du travail ". Ces dernières devraient être " systématiquement formalisées pour être diffusées aux parties prenantes de l'entreprise ; faire l'objet de la part de l'employeur d'une réponse écrite, motivée après évaluation, sur les suites données ". Autre préconisation : l'instauration d'un devoir de saisine. Le droit du médecin du travail d'alerter l'employeur et les acteurs de prévention sur les risques d'atteintes à la santé deviendrait un devoir.
Sur la gouvernance, l'avis écarte le statu quo d'une gestion strictement patronale comme la " nationalisation " de la médecine du travail. Il ouvre " la piste d'une gouvernance de la santé au travail assurée par la Sécurité sociale ". Au niveau régional, les rapporteurs prônent notamment un rapprochement des services de santé au travail avec les caisses d'assurance maladie et un pilotage politique dans le cadre des récents comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP, voir Santé & Travail n° 57, juillet 2007, page 21). Ce schéma devrait plaire au ministre du Travail, Xavier Bertrand, puisqu'il reflète une position de compromis entre employeurs et organisations syndicales. Dans le même esprit, l'avis propose de repenser le mode de financement, citant en exemple celui de la Mutualité sociale agricole. Il s'agirait de remplacer le système liant la cotisation au nombre de visites médicales par un nouveau mécanisme, avec une cotisation au taux unifié prenant en compte des aspects qualitatifs, à discuter entre les partenaires sociaux.
Enfin, les rapporteurs proposent d'inscrire les missions des services de santé au travail et des médecins du travail dans la loi, de mieux encadrer la qualification, les droits et devoirs des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), de renforcer le rôle des CHSCT en faisant élire leurs membres par les salariésEn revanche, sur l'aptitude, les propositions manquent de hardiesse. Si l'avis propose d'en finir avec la déclaration d'aptitude, cet abandon " n'exonère en rien le médecin du travail quant à son appréciation des capacités du salarié à occuper un emploi donné ", se sentent obligés de préciser les rapporteurs.