Du droit d’expression des victimes d’agressions sexuelles
En 2016, une salariée de 38 ans avait dénoncé par six courriels, notamment à l’Inspection du travail, l’« agression sexuelle » et le « harcèlement sexuel et moral » que lui faisait subir le vice-président de l’association dont elle était employée. La justice française avait condamné la plaignante pour diffamation publique, considérant que les accusations à l’encontre de son supérieur n’étaient pas démontrées et qu’elles pouvaient nuire à sa réputation. Loin d’abandonner son combat, la travailleuse a alors confié l’examen de son dossier à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Laquelle, le 18 janvier dernier, a condamné la France à verser une indemnité de 12 750 euros à la requérante, considérant que la justice française avait porté atteinte à sa liberté d’expression (Affaire Allée c. France - requête N° 20725/20).
La Cour estime, en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression, qu’il était nécessaire d’apporter « la protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes ». Au surplus, la Cour juge que « le courriel envoyé par la requérante à six personnes dont une seulement était hors de l’affaire n’a entraîné que des effets limités sur la réputation de son prétendu agresseur ». Aussi, dans un communiqué de la CEDH, celle-ci considère-t-elle que les juridictions nationales « ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer ». Selon la Cour, certaines condamnations pénales sont susceptibles de décourager la dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel par les victimes. Un effet dissuasif qui « pourrait porter atteintes à la bonne application d’autres textes de lois européennes visant à protéger les travailleurs contre le harcèlement sexuel au travail ».