Ecouter le travail réel pour prévenir le stress
Les espaces de parole ouverts aux salariés et le dialogue social au sein des entreprises ont figuré, lors de rencontres parlementaires sur la santé au travail organisées fin novembre, parmi les pistes suggérées de prévention du stress.
" Surmonter les divergences et tracer des perspectives pour l'action " : tels étaient les objectifs des rencontres parlementaires sur la santé au travail organisées le 30 novembre, à Paris, à l'initiative de Jean-Pierre Godefroy, sénateur de la Manche (PS), et de Francis Vercamer, député du Nord (Nouveau Centre). Une partie de cette journée était consacrée au thème " Bien-être et efficacité : comment améliorer la santé au travail ? ".
Bonne raison pour développer la prévention, le coût du stress au travail représente 20 % des dépenses de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécurité sociale, soit 2 à 3 milliards d'euros, a rappelé Bernard Salengro, secrétaire national du pôle santé au travail de la CFE-CGC. Autre motivation, énoncée par Bernard Krynen, vice-président du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), " le management par le bien-être doit être considéré comme un facteur économique favorable au développement de l'entreprise "
Boîte de Pandore. Au vu de ces avantages, pourquoi la question des risques psychosociaux n'est-elle pas plus sérieusement prise en compte dans les entreprises ? Francis Vercamer est convaincu que tant qu'elle sera abordée par le biais de la réparation, la prévention ne s'installera pas. " Evaluer ces risques, c'est ouvrir la boîte de Pandore, car ces pathologies vont coûter cher ", avance-t-il. Autre frein, mis en avant par Yves Bongiorno, conseiller confédéral adjoint en charge du secteur travail et santé à la CGT : la déconnexion du travail réel. Aujourd'hui, constate-t-il, les directoires prennent des décisions stratégiques en considérant les seuls aspects financiers. Or " il faut écouter les effets de ces choix sur la réalité du travail, et seuls les salariés la connaissent "
La principale difficulté, déplore ce responsable syndical, réside dans le fait que les entreprises ne sont pas prêtes à créer des lieux de concertation, car pour cela " il faudrait qu'elles renoncent au lien de subordination ". Ce lien s'est en effet considérablement renforcé en raison du contrôle extrême que les nouvelles technologies permettent d'exercer sur les salariés. " L'Etat doit légiférer sur ce sujet ", affirme Yves Bongiorno. Pour sa part, Henri Forest, secrétaire confédéral en charge de la santé au travail à la CFDT, met en garde contre un autre écueil : " Il ne faut pas que les espaces de parole soient détournés par les directions au profit de l'entreprise. "
" Le bonheur au travail ne se décrète pas par des textes de loi ", soutient de son côté Hervé Lanouzière. Pour ce conseiller technique à la direction générale du Travail, le succès de la prévention passe par le dialogue social. Pour restaurer les relations entre l'employeur et les partenaires sociaux, les cabinets de consultants peuvent avoir leur place.
Enfin, la médecine du travail, à condition qu'elle reste indépendante, joue un rôle crucial, tout comme les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, souligne l'économiste Philippe Askenazy. Le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, abonde dans ce sens : " Le ministère considère que le médecin du travail est un acteur essentiel. "