AdobeStock
AdobeStock

Une enquête pour mieux comprendre ce que bien soigner veut dire

par Corinne Renou-Nativel / 06 février 2025

Dans la foulée des Ateliers pour la refondation du service public hospitalier et du soin lancés en pleine crise sanitaire, l’enquête EnCollineS sonde à la fois les soignants, les soignés et les aidants. Bien qu’elle ne traite pas spécifiquement des conditions de travail des personnels de l'hôpital, elle pourrait fournir des éléments inédits sur leur santé au travail.

« Qu’est-ce que bien soigner ? » C’est à cette question en apparence simple que propose de répondre EnCollineS, une « enquête collaborative inédite sur le soin » qui s’adresse aux soignants, mais aussi aux soignés et aux aidants. Initiée par un collectif de chercheurs, d’acteurs du soin ou encore de patients, la collecte des données a débuté fin novembre 2024 et doit durer dix mois, avant une phase de traitement et la publication des résultats qui sera accompagnée de débats.

Tout démarre en juillet 2020 avec les Ateliers pour la refondation du service public hospitalier et du soin créés en pleine pandémie par le Collectif inter-hôpitaux, les Economistes atterrés, le Collectif inter-urgences, le Printemps de la psychiatrie et les Ateliers travail et démocratie. « Malgré la situation très difficile, certains soignants, dégagés des contraintes budgétaires et managériales, disaient retrouver du sens dans leur travail et le sens du collectif de soins autour du patient, explique Fabienne Orsi, coordinatrice de l’enquête, économiste et chercheuse à l'Institut de recherche pour le développement (IRD, Aix-Marseille Université). Nous avons voulu documenter ce moment-là, la question de la place de l'hôpital public dans la cité, puis, plus largement, la question du soin. » Des ateliers ont été organisés dans la foulée, ainsi que l’écriture d’un manifeste, puis le projet EnCollineS, avec pour originalité de ne pas s’articuler autour de statuts - soignants spécialistes, patients atteints de pathologies spécifiques - mais de préférer une approche transversale.

L’enquête poursuit deux objectifs. « Le premier, c'est de donner la parole à des personnes qui ne l'ont pas forcément sur des questions de santé et de soins, avec l’idée que partir de leur vécu et non d'un savoir expert va faire émerger des propositions novatrices », précise Camille Veit, coordinatrice de l’enquête, maîtresse de conférences à l’université Rennes 2 et psychologue clinicienne. Le collectif fait aussi le pari que le fait même de participer à l’enquête peut modifier sa façon de considérer le soin. « Nous expérimentons une méthode d'enquête complètement originale, indique Fabienne Orsi. Toute personne enquêtée peut devenir elle-même enquêtrice, avec le pari de la création d’un processus de réflexivité sur sa propre expérience et d'échange avec d’autres personnes. » Le projet peut aussi servir d’outil pour organiser des collectifs de discussion dans les milieux de travail.

La circulation de la parole dans les équipes

Au cœur du projet, un entretien en face à face d’environ une heure, sur la base d’un questionnaire élaboré pendant deux ans par le collectif EnCollineS. Certaines questions s’adressent spécifiquement aux soignants, aux soignés ou aux aidants, mais il existe trois thématiques communes : relation de soin ; errance et itinérance ; collectif de soins et pouvoir d'agir. « Des questions portent sur les effets du travail sur la santé, d’autres sur les lieux de transmission et de circulation de la parole dans les services ou les équipes, ou encore sur l’impact des rencontres avec des patients », indique Camille Veit.

La question du travail peut aussi être évoquée avec les soignés et les aidants. Peuvent surgir des sujets comme la différence entre travail prescrit et travail réel, l’autonomie et la créativité de soignants soumis à des protocoles. « Beaucoup de questions très ouvertes permettent aux personnes d’exprimer ce qu'elles souhaitent, complète Fabienne Orsi. Évidemment, la parole des soignants compte, mais elle n'est pas l'objet exclusif de l'enquête. Celle des soignés et des aidants est tout aussi essentielle. » 

A lire aussi