Enquête : de plus en plus de femmes travaillent la nuit
C'est le constat dressé par le ministère du Travail en août dernier : les femmes, en particulier les intérimaires, sont de plus en plus concernées par le travail de nuit. Avec des conséquences sur leur santé et leur vie familiale.
Pas moins de 15 % des salariés, soit 3,5 millions de Français, travaillent la nuit, habituellement ou occasionnellement. C'est un million de plus qu'en 1991. Tels sont les chiffres forts qu'on peut retenir de la dernière enquête de la direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail, publiée en août dernier.
Plus répandu dans le secteur tertiaire
Les femmes représentent 30 % des actifs nocturnes, contre 20 % il y a vingt ans ; dans ce laps de temps, leur nombre a doublé, alors que celui des hommes concernés a augmenté de 25 %. C'est la conséquence visible de la levée de l'interdiction du travail de nuit pour les femmes, en 2001, et pas seulement pour les professions réglementées, comme les infirmières.
Mais ce résultat s'explique également par le fait que "le travail de nuit est plus répandu dans le secteur tertiaire, dont les effectifs sont davantage féminins", indique Elisabeth Algava, adjointe au chef du département Conditions de travail et santé de la Dares et auteure de l'étude. Parmi les travailleurs nocturnes, 42 % sont employés par des entreprises privées de services (télémarketing, commerce, etc.) et 30 % sont des salariés de la fonction publique, continuité du service public oblige (pompiers, sages-femmes, etc.). Alors que l'activité nocturne touche autant les hommes en CDI que ceux en intérim, elle concerne 7 % des femmes en emploi pérenne et jusqu'à 15 % des intérimaires. "Dans la conjoncture économique actuelle, travailler de nuit relève du non-choix", affirme Sophie Prunier-Poulmaire, ergonome, spécialiste des questions de temps et de rythmes de travail. Les femmes de moins de 30 ans sont les plus concernées. "Quand elles ont des enfants, les femmes ont tendance à arrêter le travail nocturne, du fait de leur statut familial", traduit Elisabeth Algava.
Les travaux scientifiques sont peu nombreux, leurs résultats sont donc à relativiser. Néanmoins, la Dares souligne que tous insistent sur une moins bonne condition physique des salariés ayant longuement travaillé de nuit. Il est également établi que le risque de cancer du sein est plus élevé pour celles qui travaillent la nuit1 "Il y a aussi davantage de risques de fausse couche, signale Sophie Prunier-Poulmaire. Le rythme de vie des salariées n'est pas celui de leur corps, il change aussi leur cycle menstruel."
Un sommeil plus court et moins réparateur
Par ailleurs, tous sexes confondus, le travail de nuit enclenche un cercle vicieux : un sommeil plus court et moins réparateur, des pathologies digestives avec prise de poids liées aux horaires de repas déréglés, un recours à une alimentation de substitution de moindre qualité (sandwichs, barres chocolatées, etc.) et un grignotage plus fréquent. "Quand on mange, on est actif ! Or le premier travail d'un travailleur de nuit est de rester éveillé", observe la spécialiste des questions de rythmes de travail. Résultat, les risques cardiovasculaires sont plus importants.
Davantage de stress
En outre, les travailleurs de nuit sont généralement pluriexposés. "Et les facteurs de pénibilité ne font pas que se cumuler, ils se potentialisent !, met en garde Sophie Prunier-Poulmaire. Du fait de la fragilisation du corps, être exposé à un produit chimique deux heures la nuit est plus nocif qu'une exposition de même durée en journée." Sans compter le stress, généralement plus important la nuit, du fait d'"une organisation du travail différente, avec moins de personnel, ce qui exige d'être très vigilant", note Elisabeth Algava. Et puis, la nuit, si les salariés ont davantage de responsabilités, ils n'ont pas plus de marge de manoeuvre en cas d'incident.
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Voir encadré page 6.