Enquête sur les travailleurs malades invisibles
Chaque année, près de 120 000 Français sont atteints de pathologies causées par leur travail, mais moins de la moitié d’entre eux parviennent à se faire indemniser. Et les employeurs ne manquent pas de stratégies pour fuir leurs responsabilités, comme le montre l’enquête de « Cash Investigation » du 25 janvier intitulée « Travail de malade, malade du travail ». Cette émission de France 2, qui peut toujours être visionnée en replay sur le site de France Télévisions, s’est terminée par un débat animé par Elise Lucet avec Sophie Binet (secrétaire générale de la CGT), François Desriaux (rédacteur en chef du magazine Santé & Travail), la psychologue Marie Pezé (fondatrice du réseau Souffrance et travail) et la députée du groupe Renaissance Charlotte Parmentier-Lecocq (également présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée).
Le documentaire de François Cardona, diffusé en première partie de soirée, souligne que « les patrons feraient tout » pour interférer sur les tableaux de maladie professionnelle du régime général ou agricole de la Sécurité sociale. Pour cela, lors des séances d’élaboration desdits tableaux en Commission spécialisée chargée des maladies professionnelles (CS4), soit ils se démènent pour que certaines affections ne soient pas répertoriées, soit ils rendent complexes les preuves à fournir pour démontrer l’imputabilité professionnelle. La caisse de la branche des accidents du travail et des maladie professionnelles (AT-MP), à laquelle ils cotisent, est ainsi préservée alors qu’elle est pourtant excédentaire de 1,7 milliard d’euros depuis 2022.
D’autres stratégies de contournement des obligations par les employeurs sont illustrées dans le documentaire. Dans le BTP par exemple, où la poussière cancérogène de silice cristalline provoque des dégâts pulmonaires chez les salariés exposés, l’« omerta » est régulièrement pratiquée vis-à-vis des risques. Des témoignages pointent notamment l’irresponsabilité du cimentier Lafarge en matière de systèmes de protection vraiment efficaces. Une autre façon d’invisibiliser les atteintes à la santé des travailleurs consiste à recourir à la sous-traitance. C’est aussi le cas pour certaines entreprises qui choisissent de faire appel aux établissements et services d’aide par le travail (Esat), lesquels accueillent des personnes en situation de handicap. Dans la banlieue de Grenoble, l'entreprise Schneider Electric tire profit de leurs services à moindre coût, tout en réclamant de ces travailleurs handicapés des cadences de travail épuisantes et inappropriées. « Ils s’achètent une vertu, confesse en caméra cachée un responsable du personnel de l’Esat. Et commercialement, c’est un argument de vente. »