Etude : le travail hospitalier dégradé par les réformes
Un rapport du Centre d'études de l'emploi pointe les effets délétères des réformes hospitalières sur le travail et la santé des personnels de soins. Il préconise de les prendre davantage en compte dans les décisions de gestion.
Une prise en compte insuffisante du travail. Tel est le constat dressé par deux sociologues, Mihaï Dinu Gheorghiu et Frédéric Moatty, dans une étude publiée en janvier par le Centre d'études de l'emploi1 "Les réformes de l'institution hospitalière, si elles ont contribué à accroître la productivité du travail et à respecter l'objectif de maîtrise des dépenses, ont aussi conduit à prendre l'emploi comme variable d'ajustement et à sous-estimer les incidences sur le travail", écrivent-ils. Le rapport pointe l'intensification des rythmes et de la charge de travail, la recherche de flexibilité dans la gestion de la main-d'oeuvre, la gestion plus serrée des plannings, etc. "Le sentiment de pression s'est accentué", observe Frédéric Moatty, en évoquant notamment la situation des infirmiers et des jeunes internes et une pénibilité dans le travail d'autant plus mal vécue que l'âge de la retraite recule.
Urgentistes en souffrance
"Les problèmes d'organisation et d'intensification du travail ont des répercussions sur la santé du personnel et on assiste à une explosion des arrêts maladie et à un taux d'accidents du travail comparable à celui du BTP", confirme Denis Garnier, syndicaliste FO et auteur d'ouvrages sur les conditions de travail à l'hôpital. Selon le rapport, le personnel souffre aussi d'une perte de repères sur les finalités et le sens de leur travail. Illustration : la souffrance ressentie par les urgentistes face à la "maltraitance" subie par des malades en attente d'un lit, attente qui peut signifier une perte de chances face aux soins et un risque accru de décès.
Cette souffrance a été dénoncée lors d'un séminaire organisé en 2013 par la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), sur le thème : "Qualité de vie au travail, qualité des soins, pour un croisement des points de vue". La HAS a d'ailleurs intégré la qualité de vie au travail dans les dimensions à prendre en compte pour la certification des établissements de santé. "Nous encourageons les établissements à donner du temps pour des échanges sur le travail et à être dans un dialogue plus continu, déclare Véronique Ghadi, chef de projet au service développement de la certification. Il ne s'agit pas d'imposer des indicateurs de résultats mais d'inciter à se poser des questions sur la qualité de vie au travail, laquelle permet d'appréhender la performance dans toutes ses dimensions et de réfléchir à une organisation du travail sans impact négatif sur la santé physique ou mentale des salariés." Une démarche proche de celle proposée en conclusion par le rapport du CEE : "Les réformes et les décisions de gestion des établissements gagneraient à intégrer, dès leur conception, la question des emplois, des conditions de travail et de la prévention de la santé des salariés."
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"L'emploi et le travail hospitaliers à l'épreuve des réformes", Connaissance de l'emploi n° 109.