Expertise a minima pour la fonction publique
L'expertise lancée en mai par l'administration sur la prévention des risques psychosociaux au sein de la fonction publique ne portera que sur la définition d'une méthodologie. Les organisations syndicales se montrent critiques.
Le suicide d'un représentant syndical de l'Inspection du travail, début mai, est venu rappeler de façon extrêmement dramatique l'existence de risques psychosociaux (RPS) dans les services de l'Etat1 . Dès lors, la présentation aux organisations syndicales, faite le 11 mai dernier par la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique (DGAFP), de l'expert chargé d'élaborer une méthode d'aide à l'identification, à l'évaluation et à la prévention de ces risques au sein de la fonction publique tombait à point nommé. Suite à un appel d'offres, il revient au cabinet Sémaphores (appartenant au groupe Alpha) de livrer à la DGAFP " des outils méthodologiques permettant l'élaboration de stratégies de prévention des risques psychosociaux par les employeurs des trois versants de la fonction publique "
Une méthode pour appréhender les risques jugée trop détournée
La présentation de cette mission s'inscrit dans le cadre de l'application d'un accord sur la santé au travail, signé le 20 novembre 2009 par le ministère de la Fonction publique et la quasi-totalité des organisations syndicales (sauf Solidaires). Elle n'a pourtant pas reçu le meilleur accueil de la part de ces dernières. L'ensemble des organisations ont en effet contesté la démarche adoptée par la DGAFP. Non consultées sur le cahier des charges et le choix de l'expert, alors qu'elles avaient souhaité être " désignataires " de l'appel d'offres, toutes déplorent avoir été mises devant un fait accompli.
La plupart des syndicats s'étonnent ensuite de la méthode proposée pour appréhender les risques psychosociaux, jugée trop détournée. Pour Philippe Vorkaufer, de l'UGFF-CGT, les RPS sont, suite à de nombreux travaux, depuis longtemps identifiés. Le rapport d'un collège d'experts, rendu récemment au Conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), a ainsi clairement mis en évidence les facteurs de risque liés à certains modes d'organisation du travail2 " L'urgence, aujourd'hui, n'est pas la recherche d'un guide méthodologique destiné aux employeurs, observe-t-il, mais la mise en place de plans d'action concrets, dans tous les services. "
La démarche de la DGAFP ne surprend pas en revanche Solidaires. " L'Etat cherche à maintenir le couvercle bien fermé " par une " sorte d'omerta ", rapporte Eric Beynel, porte-parole du syndicat, et la DGAFP continue " à gagner du temps " en déclarant que les RPS sont " difficilement objectivables ", qu'ils peuvent avoir " des origines professionnelles ou/et non professionnelles ". Selon Solidaires, comme pour les autres partenaires sociaux, il ne fait pourtant aucun doute que " les dégâts sont là " et qu'ils sont directement occasionnés par " la logique purement gestionnaire et comptable " mise en place, il y a quatre ans, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Une mission qui n'est " pas à la hauteur de l'enjeu "
Pour la FSU, cette mission n'est donc " pas à la hauteur de l'enjeu porté par l'accord du 20 novembre 2009 ". D'après sa secrétaire nationale, Elizabeth Labaye, " ce n'est pas le cabinet choisi qui est en cause, mais le but poursuivi par la DGAFP, qui semble peu ambitieux ". Ce type de démarche semble vouloir, de surcroît, " dédouaner l'employeur de sa responsabilité de fond ", pour n'accabler que les pratiques de management mises en oeuvre par des cadres " qui sont eux-mêmes sous pression "
Selon le calendrier établi par le cabinet Sémaphores, les premiers " outils méthodologiques " seront proposés à la fin décembre, au terme de la troisième et dernière phase de l'étude. Mais l'accueil des syndicats promet d'être des plus circonspects.
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Voir à ce sujet " L'Inspection du travail n'en peut plus ", par Eric Berger, sur le site Internet de notre magazine : www.sante-et-travail.fr
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Voir " Mesurer les facteurs psychosociaux de risque ? ", par Serge Volkoff, Santé & Travail n° 74, avril 2011.