Expositions aux cancérogènes : les vêtements de protection inefficaces
Une note du ministère du Travail, dont Santé & Travail a pris connaissance, indique que les vêtements de protection contre les projections de liquides et les pulvérisations sont inefficaces. Une campagne de tests pratiqués sur une dizaine de modèles montre leur non-étanchéité.
Alors que de récentes études épidémiologiques ont confirmé que l'exposition aux pesticides doublait le risque de survenue de la maladie de Parkinson, Santé & Travail a pris connaissance d'une note du ministère du Travail, s'inquiétant du manque d'étanchéité des combinaisons de protection. Cette note a été présentée et discutée mardi 23 juin, au Conseil d'orientation des conditions de travail, où elle aurait fait l'effet d'une douche froide.
Alertée en 2007 par deux chercheurs de Bordeaux au sujet de l'inefficacité de la protection portée par des salariés agricoles lors de traitements phytosanitaires (voir Santé & Travail n° 59, juillet 2007, page 9), la direction générale du Travail au ministère a lancé une campagne de surveillance du marché des vêtements de protection étanches aux projections de liquides et à la pénétration par brouillard (combinaisons de type 3) et ceux étanches aux pulvérisations (combinaisons de type 4).
« Aucune protection »
Les résultats de cette campagne sont catastrophiques. Sur dix modèles testés provenant de six fabricants différents, neuf sont non conformes à la directive européenne relative aux équipements de protection individuelle. Et si pour l'un d'entre eux, la non-conformité provient d'un manque d'explication de la notice d'instructions, les huit autres « présentent une insuffisance des performances de perméation », peut-on lire dans le document du ministère. Autrement dit, leur étanchéité fait défaut. D'ailleurs, pour six modèles, la perméation est immédiate avec les substances testées. Ils « n'apportent par conséquent aucune protection », d'après le ministère du Travail.
Par ailleurs, le ministère pointe un second écueil tenant à la bonne adaptation de la norme harmonisée EN 14605, laquelle définit les spécifications techniques des vêtements de protection. « Le problème de ces combinaisons est qu'elles sont conçues pour protéger contre des substances précises, alors qu'en situation d'activité réelle, les produits chimiques utilisés sont très souvent des mélanges, c'est-à-dire des préparations contenant des substances diverses », écrit le ministère. Les tests réalisés par le Centre technique du cuir (CTC), un organisme habilité à réaliser les essais de perméation, l'ont été avec des produits purs. On peut craindre que les résultats auraient été encore plus défavorables si les tests avaient été réalisés avec des mélanges employés couramment. D'autant que certains d'entre eux utilisés en agriculture contiennent des substances destinées à augmenter le pouvoir de pénétration du traitement dans les végétaux. Ils risquent alors de faciliter le passage à travers les combinaisons et la peau.
Pénétration des toxiques par la voie cutanée
Ces résultats sont également très inquiétants car ils tendent à montrer que la protection des opérateurs contre les risques CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) a été particulièrement inefficace dans de nombreux secteurs, notamment dans l'agriculture. En effet, plusieurs études ont confirmé que la contamination par des substances toxiques se faisait à 99 % par la voie cutanée, et non par la voie respiratoire comme on l'a longtemps pensé. Dès lors, si les combinaisons de protection sont inefficaces, il y a tout lieu de penser que les expositions de nombreux salariés dans l'industrie, le bâtiment ou l'agriculture sont plus fortes que prévu.
Cette nouvelle affaire relance le débat sur l'effectivité du droit dans le domaine de la prévention des risques professionnels. Le Code du travail prévoit en effet que le recours aux moyens de protection individuelle ne doit s'envisager que lorsque tous les autres moyens de protection sont impossibles à mettre en œuvre. Or toutes les campagnes de contrôle du ministère du Travail montrent que ces autres moyens - suppression du risque, substitution de produits CMR par des produits moins toxiques, protections collectives - ne sont que rarement mis en œuvre.
Elle relance également la question de l'utilisation massive de pesticides et autres fongicides dans l'agriculture et de son incidence sur l'augmentation de certaines localisations de cancer (prostate, cerveau, sang, peau, lèvres, estomac) chez les agriculteurs. Reste à savoir ce que les acteurs de la prévention vont pouvoir imposer face aux lobbies des industries chimiques et phytosanitaires.