Les facteurs professionnels n'ont pas de signature
Les maladies d'origine professionnelle, notamment les cancers, pèsent lourdement sur la santé de la population, mais ce phénomène reste difficile à quantifier. En effet, la plupart des pathologies susceptibles d'être provoquées par des facteurs professionnels peuvent également avoir pour source d'autres types de causes, personnelles ou environnementales. Ce sont des maladies plurifactorielles. Pour évaluer la "part attribuable" à un facteur de risque professionnel, il ne suffit donc pas d'additionner le nombre de cas de pathologies correspondantes.
Cependant, lorsqu'on dispose de données épidémiologiques adéquates, il est possible d'estimer, au sein d'une population, la proportion de cas d'une pathologie ayant une origine professionnelle. C'est en procédant de la sorte qu'on évalue que, dans les pays industrialisés, de 5 % à 10 % environ de tous les cancers sont d'origine professionnelle. Mais ce raisonnement ne vaut que pour des populations. Il n'est pas transposable au plan individuel, face à un cas de cancer.
En effet, pour la plupart des cancers, plusieurs facteurs de risque - professionnels ou non - ont été identifiés, et chacun peut avoir induit le processus cancérogène. Peut-on savoir lequel est à l'origine d'un cas individuel ? Dans l'état actuel des connaissances, la réponse est négative. Sur le plan médical, rien ne distingue un cancer du poumon dû au tabac d'un cancer du poumon dû à l'amiante, au cadmium ou à la silice. La nature et la structure de la tumeur ne sont pas non plus différentes selon l'agent à l'origine du cancer et il n'existe actuellement aucun marqueur biologique qui serait la "signature" spécifique d'un facteur causal. Cela vaut pour l'ensemble des cancers.
Exception. Le mésothéliome est une exception : c'est un cancer qui n'existe pratiquement pas de façon spontanée et pour lequel un seul agent causal a été identifié, en l'occurrence l'amiante. Dans ce cas, s'il y a mésothéliome, il est admis que seule une exposition à l'amiante peut en être à l'origine ; c'est pour cette raison que son indemnisation par le Fiva1 ne nécessite pas de prouver une exposition à l'amiante.
Il est possible que l'évolution des connaissances scientifiques permette un jour de distinguer chez un patient donné quel facteur, parmi ceux qui sont connus, a déclenché le cancer dont il souffre. Mais on en est loin aujourd'hui. Les seuls éléments déterminants dans l'évaluation de la plausibilité d'une relation causale entre une exposition professionnelle et un cancer sont l'existence même d'une telle exposition, sa durée et son niveau vraisemblables.
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Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.