La faute inexcusable de la SNCF reconnue pour un suicide
Le lundi de Pentecôte 2018, à l’aube, Julien Piéraut, un cheminot de 26 ans, a quitté son domicile dans l’Aisne, où il vivait avec sa mère et sa sœur, et pris la direction de son lieu de travail, le technicentre Est-Européen à Pantin (Seine-Saint-Denis). A mi-chemin, à la hauteur du passage à niveau de Condren (Aisne), il a garé sa voiture, s’est allongé sur les rails, face contre terre, juste avant le passage d’un train. Cinq ans plus tard, le 15 mai dernier, la justice a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, la SNCF, pour le suicide du jeune homme. Un parmi d’autres, dans la série de suicides de cheminots qui jalonnent depuis plus de quinze ans les réformes du système ferroviaire français et la mutation de l’entreprise publique, selon les syndicats Sud-Rail et CGT.
Le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a estimé que la SNCF avait ignoré les multiples alertes lancées par le cheminot sur son intense souffrance au travail et n’avait pas pris les mesures de prévention adaptées. Embauché en 2012 à la SNCF, Julien Piéraut souffrait de l’éloignement géographique entre son domicile et son lieu de travail, qui lui imposait cinq heures de trajet aller et retour et l‘obligeait à se lever à 3 heures du matin pour rentrer à 17 heures le soir. Une souffrance sur laquelle il avait alerté sa hiérarchie depuis 2015, ses revenus ne lui permettant pas de se loger décemment à Paris. Ses demandes répétées de mutation en Picardie et de changement d’horaires avaient été rejetées, tout comme celles d’un logement SNCF en région parisienne. Quelques mois avant sa mort, témoigne le syndicat Sud-Rail, l’employeur avait au contraire réussi à lui imposer un nouveau poste à l’équipe « dépannage », avec un roulement en 3 × 8 heures et sur tous les jours de la semaine. Suivi par un psychiatre depuis juillet 2017, le cheminot avait glissé dans un engrenage de souffrances et tensions au travail, multipliant les arrêts-maladie. « Jusqu’à ce qu’il ne voie plus d’autre moyen de mettre fin à la souffrance que de se supprimer », dénonce le syndicat Sud-Rail, qui a soutenu les parents du cheminot dans la recherche des responsabilités et espère que « la SNCF aura la décence de ne pas faire appel ».