"Favoriser un dialogue sur la qualité du travail"
Comme l'explique Dominique Lhuilier, psychologue et coordinatrice d'un ouvrage sur la question, chaque acteur de l'entreprise a sa propre vision de la "qualité du travail". Source de conflits, cette notion devrait être mise en débat.
Qu'entend-on par "qualité du travail" ?
Dominique Lhuilier : La qualité du travail, dans le sens commun, c'est la qualité du produit ou du service, le résultat du travail. Mais c'est aussi la qualité des processus et des manières de faire intégrant différents critères comme les conditions de travail, d'emploi, de sécurité, de santé. C'est encore la qualité des buts poursuivis et la question du sens du travail. La difficulté à cerner la qualité et à établir une vision partagée résulte de la diversité des places occupées. Les priorités et les critères d'appréciation diffèrent pour l'opérateur, le contremaître, le service commercial, la direction, le client...
L'ouvrage Qualité du travail, qualité au travail1 , que vous avez coordonné, évoque des conflits de critères. Quels sont-ils ?
D. L. : La question est structurellement conflictuelle, avec notamment l'opposition productivité/santé. Pour les directions, la problématique est celle de défendre la production dans un marché concurrentiel, et donc de chercher la performance économique. Pour les opérateurs, il s'agit de faire un travail de qualité, car le bien-être nécessite le bien-faire en conformité avec les règles du métier ou celles de l'équipe de travail. Mais les approches peuvent varier parmi les travailleurs selon les générations ou les catégories professionnelles. Face aux contraintes, le travailleur lui-même peut vivre des conflits internes entre les exigences du bien-faire et les risques d'une usure prématurée. La mise en concurrence entre souci de soi et souci du travail bien fait pourrait bien être une caractéristique majeure des configurations organisationnelles contemporaines.
Comment résoudre ces conflits ?
D. L. : Il n'y a pas de mode d'emploi, mais quelques principes permettent de revisiter la question. La qualité ne se décrète pas. Personne n'a le monopole de sa définition. Mais on peut favoriser le retour d'expérience et le débat sur le travail réel, développer des dispositifs participatifs visant à créer les conditions d'un dialogue sur la qualité. Celle-ci ne peut se réduire à la qualité prescrite à travers des normes et des contrôles. Ni à la "qualité de vie au travail", généralement synonyme de gadgets ou de recommandations contournant l'organisation du travail et la réflexion sur le travail comme activité.
Vous avez travaillé sur la construction des projets de retour à l'emploi des personnes atteintes de maladies chroniques. Ces dernières ont-elles des attentes spécifiques ?
D. L. : L'intensité des enjeux est décuplée avec une exacerbation de l'affirmation du "ce que je veux". Un salarié qui reprend le travail après une rupture due à son état de santé va affronter de façon plus radicale l'idée de ne pas gâcher sa vie à la gagner. Il ne pourra plus indéfiniment s'oublier et répondre favorablement aux pressions de l'encadrement ou des collègues. Ainsi, pour certaines pathologies comme le cancer, il faut construire les conditions d'une nouvelle vie au travail sans risquer une récidive.
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Qualité du travail, qualité au travail, Dominique Lhuilier (coord.), Octares, 2014. Un colloque autour de cet ouvrage s'est déroulé au Conservatoire national des arts et métiers le 14 novembre dernier.