La fin des CHSCT ne passe pas chez les syndicats hospitaliers
Les syndicats de la fonction publique hospitalière s'opposent à la suppression des CHSCT, prévue par un projet de décret. Ils dénoncent une réduction des moyens et des droits accordés aux élus du personnel pour agir sur la santé au travail.
« Euthanasie orchestrée des CHSCT dans la fonction publique hospitalière. » C’est le titre du communiqué commun diffusé cet été par les fédérations syndicales CFDT, CGT, FO, SUD et Unsa du secteur médical et médico-social concernant la fusion annoncée des instances représentatives du personnel dans les établissements publics. Après avoir claqué la porte le 25 juin dernier du Conseil supérieur de la Fonction publique, où le projet de décret entérinant cette fusion venait de leur être présenté. Le Conseil d’Etat doit se prononcer dans les prochaines semaines sur ce texte, qui prévoit la création d’une instance unique de représentation du personnel, le comité social d’établissement ou CSE, et la disparition des CHSCT.
La perte d’un lieu de débat
Ce décret, dont on ne connaît ni le libellé définitif ni la date de parution au Journal officiel, vise à décliner la Loi de transformation.de la fonction publique, votée en 2019, qui a acté la mise en place du CSE. Une mesure adoptée sous couvert de « simplification » mais qui, selon les syndicats, va priver les personnels soignants d’un lieu privilégié pour débattre et agir sur leurs conditions de travail et la prévention des risques professionnels : le CHSCT. La « formation spécialisée santé, sécurité, conditions de travail » ou FSSSCT, censée le remplacer, ne sera obligatoire qu’à partir de 200 salariés, au lieu de 50 pour l’ancienne instance. Ce qui ne concerne plus qu’une petite minorité d’établissements de soins ou médicaux sociaux. De plus, signale Françoise Kalb de l’Unsa, « les membres titulaires des FSSSCT seront des membres du CSE, déjà mobilisés sur les finances, les effectifs, les réorganisations, etc. »
Avec la diminution prévue du nombre d’élus et d’heures de délégation, Clotilde Cornière, de la CFDT, craint pour sa part une réduction du travail de terrain et des enquêtes internes. « Pourtant la pénibilité du travail des soignants s’aggrave avec les changements incessants des plannings, faute de remplacement des absents, et le non-paiement des heures supplémentaires », souligne-t-elle, en dénonçant les contraintes budgétaires imposées aux directions. Des difficultés mises en lumière par l’épidémie de Covid, notamment concernant les sous-effectifs et le manque de matériel de protection.
« Une coquille vide »
Du point de vue des syndicats, le CHSCT pouvait exercer un contre-pouvoir sur les questions de santé au travail, ce qui ne sera pas le cas de la FSSSCT. « Ce sera une coquille vide. Elle n’aura pas la personnalité juridique, ne maîtrisera pas l’ordre du jour du CSE et ne pourra pas voter une expertise », déplore Isabelle Godard de la CGT. Selon Didier Birig, de FO, la Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente les employeurs, a obtenu satisfaction sur l’une de ses vieilles revendications : pouvoir refuser le recours à un expert par les élus du personnel, tout en imposant une procédure d’appel d’offres et des délais restreints. Pourtant, ce recours a permis à des CHSCT d’agir en prévention face à des risques psychosociaux ou des troubles musculosquelettiques, ou encore de pointer les conséquences délétères de restructurations, notamment lors de regroupements d’hôpitaux. Le décret précise d’ailleurs que la FSSSCT ne sera pas spécifiquement consultée sur un projet, si celui-ci est intégré à une réorganisation examinée en CSE !
La fusion des instances et la création du CSE, prévues dans toutes les fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière), sera mise en œuvre à l’occasion des élections professionnelles de 2022. Une réforme ni négociée ni même réellement concertée, dans un contexte marqué par la crise sanitaire qui ne favorise pas la mobilisation syndicale. Sociologue du travail et expert au sein du cabinet Apteis, Nicolas Spire anticipe un recul des débats sur les conditions de travail et du recours aux expertises, déjà constaté dans le secteur privé depuis la disparition des CHSCT en 2020. Un alignement par le bas au détriment des travailleurs du secteur publique ?