Fin des fongicides à base d'époxiconazole
Confirmant que l'époxiconazole est un perturbateur endocrinien, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s'est prononcée pour le retrait du marché des produits phytosanitaires qui en contiennent. Cette décision aurait-elle pu intervenir plus tôt ?
L'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) du 28 mai, demandant l'interdiction des produits phytosanitaires à base d'époxiconazole compte tenu de son caractère perturbateur endocrinien confirmé, constitue l'épilogue d'un feuilleton juridico-réglementaire dont le premier épisode remonte à 2013. Cette année-là, l'époxiconazole, qui sert de principe actif à de nombreux fongicides utilisés en agriculture, a été classé par le règlement européen CLP (pour Classification, Labelling and Packaging) comme une substance présumée cancérogène et toxique pour la reproduction humaine. Cela entraîne des conséquences pour la substance au titre du règlement concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Celui-ci prévoit qu'en cas de classement CMR (pour cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction) avéré ou probable, les substances ne soient pas approuvées. Seulement voilà, la mesure n'est pas rétroactive. Approuvé en 2009, l'époxiconazole continue donc d'être utilisé en Europe dans de nombreuses préparations à usage phytosanitaire, et cela sera possible jusqu'à l'expiration de sa période d'approbation, fixée au 30 avril 2020.
Si la décision de l'Anses est saluée, certains la jugent tardive, voire inutile, puisqu'elle ne sera elle-même effective que dans douze mois, soit, justement, à la fin de l'autorisation de l'époxiconazole. Au regard de son caractère nocif pour la santé, ce produit n'a quasiment aucune chance de voir son approbation renouvelée. Aurait-il été possible d'agir plus tôt ? Les autorités françaises ne sont pas restées totalement inactives. En 2014, après avoir demandé à la Commission européenne de procéder à un réexamen anticipé de l'approbation de cette substance considérée comme dangereuse, la France a décidé de suspendre les autorisations de mise sur le marché des produits en contenant. Elle s'appuyait également sur une enquête de la direction générale du Travail (DGT), dont Santé & Travail a révélé les principaux éléments, à savoir l'existence de failles dans les conditions d'utilisation de ces fongicides.
Sur la liste des candidats à la substitution
Des arguments insuffisants, selon Bruxelles, pour montrer que le risque "ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante au moyen des mesures prises au niveau national" et justifier des mesures d'urgence de restriction ou d'interdiction ! La France a donc préféré revenir sur sa décision afin d'éviter un contentieux juridique de taille et de lourds dommages et intérêts. Mais la Commission avait entrouvert une porte, en rappelant aux autorités françaises que chaque Etat membre pouvait, à partir du 1er août 2015, décider de retirer l'autorisation d'un produit contenant un principe actif qui figure sur une liste des substances candidates à la substitution, à cause de leur danger. Ce qui est le cas de l'époxiconazole. Le règlement européen qui régit la mise sur le marché des pesticides le permet, sous réserve de procéder à des évaluations comparatives de produits. Et beaucoup se demandent aujourd'hui pourquoi il n'a pas été possible, dès 2015, de mettre en oeuvre cette évaluation. Celle-ci aurait sans doute pu conduire au retrait anticipé des produits phytosanitaires à base d'époxiconazole, sans attendre la fin de sa période d'approbation. Et ainsi protéger de nombreux agriculteurs de ce risque d'exposition.