Vers la fin de l’aptitude en médecine du travail

par Clotilde de Gastines / 11 mai 2015

La fin de l’avis d’aptitude : ce pourrait être l’une des pistes proposées par la mission parlementaire sur la médecine du travail. Elle écarterait aussi la visite d’embauche confiée aux généralistes, comme l’avait envisagé le gouvernement.

La mission sur la médecine du travail et l’aptitude au poste de travail1 devrait rendre son rapport mi-mai aux ministres de la Santé et du Travail, Marisol Touraine et François Rebsamen. Mais, selon une dépêche de l’agence de presse AEF du 5 mai dernier, les pistes d’évolutions possibles ont déjà été présentées par les rapporteurs aux deux ministres.

Une visite tous les cinq ans

Ainsi, d’après l’agence de presse, le rôle des médecins du travail serait en partie conforté. Contrairement à ce qu’envisageait Bercy (voir « La médecine du travail sous le choc de simplification », Santé & Travail n° 89, janvier 2015), dans le cadre de la simplification de la vie des entreprises, la visite d’embauche ne serait pas confiée aux médecins généralistes mais aux infirmières du travail, pour pallier la pénurie de médecins. L’objectif affiché est de concentrer les médecins sur la visite d’entreprise, ou encore le « précontentieux » (visite de préreprise et de reprise après une longue maladie) et le contentieux. Pour les travailleurs en bonne santé, la fréquence des consultations médicales passerait de deux à cinq ans. L'avis d'aptitude devrait être supprimé, excepté pour les postes de sécurité, susceptibles d'être à l'origine d'un risque d'accident collectif.

Quel statut pour l’infirmière du travail ?

Si les renseignements obtenus par l’agence de presse se vérifient, le rapport de l’Igas devrait donc être débarrassé des aspects les plus provocateurs des projets initiaux du gouvernement. Il n’en demeure pas moins que le flou domine encore sur l’encadrement des restrictions d’aptitude et la contestation des avis d’aptitude devant un collège de pairs. La vigilance reste aussi de mise sur plusieurs points. Ainsi, le statut de l’équipe médicale et de l’infirmière du travail n’est toujours pas précisé. La question de leur indépendance professionnelle par rapport à l’employeur devrait pourtant s’imposer.

Une vision démédicalisée

Indépendamment de la question de l’aptitude qui disparaîtrait, la visite d’embauche avait un intérêt pour le médecin du travail, car elle lui permettait de rencontrer le salarié, de l’informer des risques professionnels dans l’entreprise et au poste de travail. Ce premier contact avait donc une utilité pour que le salarié n’hésite pas à solliciter le médecin dès les premières difficultés en santé au travail. Mais d’une manière générale et de l’avis de plusieurs experts en santé au travail, on peut redouter une vision très démédicalisée de la médecine du travail. La philosophie qui risque de s’imposer est de croire que la « valeur ajoutée » du médecin du travail s’effectue au cours de visites d’entreprise, sur le terrain, et non plus grâce à l’examen médical et à l’investigation clinique, lesquels n’auraient d’intérêt que pour le contentieux.

1. Pilotée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), la mission est composée de deux inspecteurs de l’Igas, Anne-Carole Bensadon et Hervé Gosselin, du député PS de l’Isère Michel Issindou, du professeur de médecine du travail Sophie Fantoni-Quinton et du directeur des ressources humaines du groupe Renault, Christian Ploton.

L’OMS POINTE LA FAIBLESSE DES POLITIQUES « AMIANTE » EN EUROPE

L’amiante cause encore 14 600 morts chaque année, selon un rapport publié le 30 avril par la branche Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui regroupe 53 pays. Si tous les Etats membres de l’Union européenne ont interdit l’amiante depuis au moins 2005, seuls 62 % disposent de plans pour endiguer les maladies liées, 32 % ont mis en place des mesures pour empêcher l’exposition du public lors du désamiantage des bâtiments, du transport et de la gestion des déchets et 23 % ne reconnaissent pas officiellement le mésothéliome comme une maladie professionnelle, alors qu’il coûte plus de 1,68 milliard d’euros par an aux 15 pays les plus peuplés de l’Union européenne, selon l’OMS.

Au-delà des décès dus à l’amiante, rappelons que, chaque année, 100 000 Européens succombent à un cancer professionnel. Mais la Commission européenne entrée en fonction en novembre 2014 reste passive. Depuis octobre 2013, la définition des limites légales d'exposition à des produits chimiques cancérogènes et reprotoxiques est bloquée. De surcroît, l’exécutif européen retarde la publication d'un certain nombre de rapports liés à la santé, notamment sur les pesticides.

À LIRE, À VOIR AILLEURS SUR LE WEB

– Près de 6 salariés sur 10 ont déjà eu un accident ou un problème de santé au travail, selon un sondage Ifop/Securex publié le 28 avril.

– Maladie rénale et insertion professionnelle : l’association de patients Renaloo publie les résultats de deux enquêtes.

– Les 35 heures à l'hôpital avec Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), dans l’émission du 6 mai du Magazine de la santé (France 5).