"La formation est capitale"
Quelles actions proposez-vous afin d'améliorer le maintien des seniors dans l'emploi ?
Yannick Moreau : Le report des âges de départ à la retraite pourrait être accompagné par une politique active en faveur de l'emploi des seniors. Nous avons proposé d'établir pour les cinq prochaines années un plan concerté pour les seniors, avec une instance de pilotage, de suivi et de coordination des différents acteurs concernés. L'allongement de la durée d'activité ne peut se poursuivre qu'avec une amélioration des conditions de travail. Il faudra également que les entreprises s'ajustent davantage à l'augmentation de l'âge moyen de leur personnel en proposant des emplois adaptés, compatibles avec des situations de capacité plus limitée ou d'affection chronique n'entraînant pas une invalidité mais des restrictions plus importantes. Cela nécessite, par exemple, des améliorations ergonomiques, mais la formation est aussi capitale. Les pays qui ont les moyennes d'âge d'actifs les plus élevées sont ceux qui ont également le plus fortement investi dans la formation professionnelle au-delà de 45 ans.
Le barème du compte personnel de prévention de la pénibilité, inscrit dans le projet de réforme des retraites, incite davantage au départ anticipé que vous ne le proposiez dans votre rapport. Comment appréciez-vous cette évolution ?
Y. M. : Dans le rapport remis au Premier ministre, nous avions en effet proposé un barème différent, incitant davantage les salariés à la formation. Il existe certains métiers très difficiles que les personnes ne peuvent exercer toute leur vie. Ces situations finissent souvent par des ruptures anticipées de la vie professionnelle. Si l'on veut s'attaquer à la pénibilité, il faut non seulement développer la prévention, mais aussi prévoir les moyens permettant d'envisager dès les premières années de carrière une reconversion vers un autre métier. C'est le cas, par exemple, aux Pays-Bas, qui expérimentent des dispositifs de reconversion quasi systématique pour certaines professions. Nous avions donc fortement insisté sur l'importance de la formation comme moyen de favoriser ces changements de vie professionnelle. La version du barème envisagée dans le projet de loi est davantage conforme à la culture sociale actuelle - portée aussi bien par les syndicats de salariés que par les organisations d'employeurs - qui, en matière de pénibilité, met plus l'accent sur les cessations anticipées ou les temps partiels. Néanmoins, le projet de loi incite également à la formation professionnelle, en lui réservant l'utilisation d'une partie des points.
Vous proposez également la création d'un observatoire des fins de carrière. Quelle est l'utilité de ce dispositif ?
Y. M. : Je crois très utile de créer cet observatoire des fins de carrière professionnelle car nous manquons d'éléments d'information sur les mécanismes de transition entre emploi et retraite. Nous sommes dans l'incapacité de connaître précisément les conséquences des nouvelles règles en matière de retraite. Quels sont exactement, par exemple, les effets du report de l'âge légal de 60 à 62 ans ? Quelles conséquences sur les inaptitudes ? La réalité de ce qui se passe au moment des fins de carrière n'est pas claire. Il existe des informations, mais il manque une synthèse des données et un suivi des évolutions. Cette proposition ainsi que celle d'un plan pour l'emploi des seniors n'apparaissent pas dans le projet de réforme, mais elles ne nécessitent pas de figurer dans un texte législatif pour être mises en oeuvre.