Formation santé sécurité du CSE : le ministère persiste
Un guide pratique sur le CSE, mis à jour en janvier par le ministère du Travail, entend restreindre la formation des élus aux seuls membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail. Une interprétation des textes contraire à la volonté du législateur et un recul par rapport au CHSCT.
Ce n’était donc pas une erreur. Après l’alerte, fin décembre, du cabinet Secafi, la dernière version du questions-réponses sur le comité social et économique (CSE) édité par le ministère du Travail – et plus précisément la réponse à la question n° 83 – confirme la position de ce dernier de ne pas imposer aux employeurs, pour l’ensemble des élus du CSE, le financement de la formation santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) d’une durée minimale de trois à cinq jours. « Ce changement de position nous paraît tout à la fois juridiquement contestable et opérationnellement dangereux », déplore le cabinet Secafi dans un communiqué transmis au ministère et resté sans réponse à ce jour. Alors que la version d’avril 2018 de ce même vade-mecum ne limitait pas cette formation aux seuls membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), l’administration semble céder aux pressions de certains employeurs, réticents à ce droit pour tous les élus.
A droit constant ?
Les attributions de l’ex-CHSCT ont été transférées intégralement au CSE ; seul ce dernier est consulté pour avis, peut décider d’une expertise en santé au travail ou entamer une action en justice. Avant les ordonnances travail, les élus CHSCT bénéficiaient de ce droit à une formation minimale d’une durée de trois jours dans les entreprises de moins de 300 salariés et de cinq jours au-dessus de cet effectif. Quant à elle, la CSSCT, commission formée par le CSE, n’a pas de personnalité morale et ses prérogatives sont fixées par accord d’entreprise. « Le fait de ne pas sécuriser le droit à la formation SSCT d’une durée minimale de trois ou cinq jours pour tous les représentants du personnel au CSE reviendrait donc à nier la garantie d’un droit constant transférant les prérogatives du CHSCT au CSE, garantie qui a pourtant été annoncée par les pouvoirs publics », observe le cabinet Secafi. Dans la dernière enquête réalisée par l’Ifop pour le cabinet Syndex, 68 % des élus CSE interrogés ont d’ailleurs exprimé un besoin de formation sur les sujets santé, sécurité et conditions de travail pour pouvoir exercer leurs mandats.
Une zone de flou
Lors du débat sur les ordonnances travail, les parlementaires ont adopté un amendement prévoyant que tous les représentants du personnel au CSE, et pas seulement ceux siégeant à la CSSCT, puissent bénéficier d’une formation SSCT d’une durée de trois jours ou cinq jours. Certains articles des lois de ratification des ordonnances avaient alors été modifiés en conséquence. « Les modifications successives dans la rédaction de l’article L. 2315-18 ont clairement montré la volonté du législateur que la formation SSCT bénéficie à tous les élus CSE », souligne Luc Bérard de Malavas, juriste et expert pour Secafi. Ce spécialiste pointe cependant une erreur ou un oubli dans la rédaction d’un autre article, l’article L. 2315-40, lequel évoque toujours les membres de la CSSCT pour la formation de trois jours ou cinq jours. Et le ministère s’est engouffré dans cette zone de flou. Il ne s’agit en rien d’une coquille, les réponses apportées par le ministère à nos questions étant sans ambiguïté : « En l’état du droit, seul l’article L. 2315-40 du Code du travail prévoit une durée minimale de formation de trois jours ou cinq jours, en fonction de l’effectif de l’entreprise. Puisque cet article concerne exclusivement les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, il n’est juridiquement pas possible d’imposer aux employeurs cette même durée de formation pour les élus du CSE ne siégeant pas à la commission. »
Durée non précisée
Pourtant, le ministère convient que les élus CSE doivent bénéficier d’une formation SSCT. Mais sans en préciser la durée, ce qui revient dans les faits, pour le cabinet Secafi, à la rendre facultative. Considérant que tous les élus CSE bénéficient bien d’un droit de trois jours ou cinq jours de formation SSCT selon les textes, les experts de Secafi estiment que le vade-mecum du ministère du Travail n’a aucune valeur juridique. Ils font en effet valoir que, d’après un arrêt du Conseil d’Etat du 17 mai 2017, un document ministériel rédigé sous la forme d’une « foire aux questions » ne constitue pas une circulaire administrative. Néanmoins, la bataille des élus pour accéder à cette formation risque d’être compliquée dans le cas où l’employeur se référerait au guide édité par le ministère. D’autant que l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a la même interprétation des textes que ce dernier.