Former les managers à la santé au travail

par Milène Leroy / octobre 2008

Professeur titulaire de la chaire d'hygiène et sécurité du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), ancien directeur général de la Santé, William Dab a remis en juillet dernier son rapport sur la formation en santé au travail des managers et ingénieurs.

Pour quelles raisons les ministres du Travail et de l'Enseignement supérieur vous ont-ils commandé ce rapport sur la formation à la santé au travail des managers et des ingénieurs ?

William Dab : Cette demande est liée au plan santé-travail 2004-2009, qui vise à passer d'un modèle exclusivement médical à un modèle pluridisciplinaire. La santé au travail, comme la santé publique, n'est pas uniquement l'affaire du médecin. Au Cnam, d'ailleurs, nous développons des formations d'ingénieurs et d'hygiénistes en veillant à cette approche plurielle. Mais dans les entreprises, le management reste à l'écart de cette évolution. La tendance de l'encadrement est encore de considérer que les questions de santé ne relèvent que des médecins. Or, face aux défis majeurs de santé au travail que sont les risques psychosociaux, les troubles musculo-squelettiques ou encore les pathologies à effets différés (les cancers, notamment), c'est à l'organisation du travail qu'il faut réfléchir. C'est une question transversale dans l'entreprise, qui concerne tous ses acteurs, y compris l'encadrement.

Ce constat a été partagé lors de la conférence sur les conditions de travail du 4 octobre 2007. Assez logiquement, les participants ont pensé que si les managers n'étaient pas assez impliqués dans la santé au travail, c'est qu'ils n'étaient pas assez formés.

Quels sont les points forts parmi vos propositions ?

W. D. : Trois choses me tiennent à coeur. D'abord, le référentiel unique pour les ingénieurs et les managers, en formation initiale comme continue. Je suis parti du travail du Conseil national pour l'enseignement en santé et sécurité au travail. Ce référentiel comprend à la fois une dimension éthique - la dimension humaine du travail - et une dimension technique. Sans faire des managers des spécialistes de la santé au travail, il comprend les savoirs de base que tous ceux qui ont des responsabilités d'encadrement doivent posséder pour mieux protéger la santé.

Le deuxième point important est la mise en place d'un outil de certification. Aujourd'hui, à bac + 5, on doit avoir un niveau d'anglais certifié. Je propose que toute personne en situation d'encadrement soit certifiée en santé au travail. La troisième proposition centrale est la construction d'un réseau national de formation en santé au travail. Il faut créer des liens entre les différents acteurs : médecins, juristes, hygié­nistes, gestionnaires, etc.

Nous avons formulé neuf autres propositions très concrètes, mais ces trois-là sont essentielles pour changer la donne.

La pression économique n'impose-t-elle pas un modèle brutal de management à l'encadrement, formé ou pas ?

W. D. : Les managers qui veulent faire des économies sur la santé des travailleurs commettent une grave erreur. De toutes parts, les auditions réalisées au cours de ma mission ont réclamé que l'on passe d'une gestion des ressources humaines à une gestion humaine des ressources. On ne peut plus méconnaître cette demande sociale qui veut qu'on attende du travail qu'il crée de la santé, alors que jusqu'à présent on attendait de la santé qu'elle alimente la force de travail. La santé ne doit plus être considérée comme une dépense improductive. Mieux gérer la santé au travail, c'est améliorer les performances, des résultats de recherches le montrent. Comme il va nous falloir travailler plus longtemps, il y aura de plus en plus de personnes âgées au travail. Il faut cesser d'opposer santé et travail.

La formation des managers et ingénieurs en santé au travail. Douze propositions pour la développer, rapport de William Dab, est consultable à l'adresse http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000404/0000.pdf