La France malade de sa justice ?

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Pascal Marichalar sociologue
/ juillet 2015

Il semble que, dans notre pays, il soit possible d'exposer des personnes à un cancérogène avéré, comme l'amiante, sans être jamais inquiété par la justice pénale. La Cour de cassation a en effet confirmé en avril dernier l'annulation de la mise en examen de responsables politiques et institutionnels qui, non contents de ne pas avoir agi efficacement face au danger, avaient siégé dans une structure de lobbying des industriels de l'amiante. Florilège des raisons avancées pour les mettre hors de cause :

  • La France n'a pas fait beaucoup plus mal que certains pays... en oubliant que d'autres ont fait mieux.
  • Les connaissances scientifiques de l'époque ne permettaient pas aux pouvoirs publics de statuer sur le risque cancérogène, ce qui est contesté.
  • Les maladies de l'amiante ont le mauvais goût de se déclarer trop longtemps après le début de l'exposition, après une longue période et non suite à un événement ponctuel. C'est compliqué à juger, donc mieux vaut qu'il n'y ait jamais de procès.
  • Depuis la loi Fauchon de 2000 sur les délits non intentionnels, les dirigeants (politiques, de l'administration ou des entreprises) n'ont plus à être inquiétés pour des tragédies qu'ils auraient causées par négligence ou indifférence.

Quel contraste avec les jugements sur le fond rendus en 2012 et 2013 dans le procès Eternit à Turin, en Italie ! Les juges italiens affirment que la décision réfléchie de ne pas tout faire pour éviter un danger connu doit être sanctionnée comme un acte intentionnel. Pour eux, le fait de pouvoir établir le nombre de victimes, via un surcroît de maladies professionnelles, suffit pour juger les responsables. Certes, la Cour de cassation italienne a annulé ces jugements pour des raisons de forme, sur la base d'une interprétation controversée du délai de prescription... Mais la classe politique s'est émue de cette décision. Et les victimes italiennes peuvent compter sur l'action de procureurs indépendants, qui préparent déjà d'autres procès. Et en France ?