Des grossesses à risque pour les soignantes
Près de 70 % des aides-soignantes et 60 % des infirmières cumulent, pendant leur grossesse, au moins cinq risques professionnels. C’est ce que révèle une récente enquête de l’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux.
Exposition aux produits biologiques et chimiques, position debout, port de charges, postures pénibles, travail de nuit… Les soignantes, en particulier les aides-soignantes et les infirmières, cumulent les risques pendant leur grossesse. Selon une enquête récente, 78 % des femmes enceintes à l’hôpital travaillent en étant exposées à plus de trois facteurs de risque professionnels. Et plus de la moitié d’entre elles (51,8 %) cumulent au moins cinq risques, constate l’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux (ANMTEPH), qui a dévoilé ces résultats le 21 septembre dernier, lors de ses 55es journées.
La pénibilité des postes de travail et les multiexpositions peuvent influer sur le déroulement des grossesses et rendre leur issue potentiellement dangereuse, alertent les auteurs de l’étude, menée en partenariat avec l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Une soixantaine de médecins du travail ont collecté les témoignages de 1 116 patientes (73 % de soignantes, 16 % d’administratifs, 3 % de médecins et 2 % de techniciennes) après leur accouchement, dans le cadre des visites de reprise de travail réglementaires.
Un lien entre port de charges lourdes et petit poids du nouveau-né
Le risque d’exposition aux produits biologiques est le plus élevé (83 % des participantes). Elles sont aussi très souvent (79 %) en position debout plus d’une heure par jour, portent des charges (59 %), adoptent des postures à risque (de 35 à 48 %), sont exposées à des produits chimiques (33 %), à des horaires atypiques (de 30 % à 50 %) et au travail de nuit (27 %). Un tiers des sondées ne bénéficient pas de deux jours de repos consécutifs. Ces risques sont particulièrement élevés chez les soignantes : 69,2 % des aides-soignantes et 60,7 % des infirmières cumulent au moins cinq risques professionnels.
Les médecins font un lien de causalité fort entre le port de charges de plus de 15 kilos et les petits poids de naissance des nourrissons. Ils émettent également l’hypothèse d’une relation entre les expositions à des substances cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) et les avortements spontanés, sur lesquels l’association compte lancer une enquête complémentaire.
Arrêts de travail nombreux et précoces
L’ANMTEPH estime que ces risques ont finalement « moins d’impact que ce qui aurait pu être attendu ». Et ce, pour plusieurs raisons. Ces grossesses sont en général très médicalisées, car elles sont plus souvent considérées comme étant « à risque ». L’association suppose également que les arrêts de travail très précoces et plus élevés que la moyenne ont un « effet protecteur » ; plus les facteurs de risque sont nombreux, plus les arrêts augmentent. Elle souhaiterait lancer une nouvelle enquête sur l’impact de ces arrêts précoces sur les ressources humaines, en partenariat avec la Fédération hospitalière de France (FHF).
Développer les aménagements de poste
La fréquence des arrêts de travail ne doit toutefois pas se substituer aux besoins de prévention, préviennent les médecins, sinon le premier trimestre de la grossesse sera toujours dans l’« angle mort ». Pour l’ANMTEPH, il y a urgence à mettre en œuvre une meilleure prévention des risques « au bon moment » et « pour toutes les femmes ». Si 60 % des salariées ont obtenu des horaires aménagés, 27 % seulement ont bénéficié d’un véritable aménagement de poste proposé par les médecins du travail. L’association envisage de créer des outils : des dépliants d’information destinés aux employeurs et aux femmes en âge de procréer et en début de grossesse ; des fiches métiers indiquant les « restrictions médicales en situation de grossesse » pour écarter les expositions aux risques majeurs ; enfin, un modèle de « fiche de poste aménagé grossesse ».