« Il est essentiel de fragmenter les activités »
Pourquoi avoir mis en place le travail à distance ?
Christophe Thuillier1
: Certains salariés souhaitaient avoir cette liberté de pouvoir partir quinze jours dans le Sud tout en travaillant. Ou de venir au siège tous les jours. Au début, il y a eu assez peu d’engouement. Beaucoup craignaient de s’exclure tous seuls. Pendant un an et demi, avec un groupe de collaborateurs, nous avons interrogé nos salariés, nos managers, l’Anact [agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail, NDLR]. Et revu notre management, nos outils et notre organisation.
Aujourd’hui, la moitié de nos collaborateurs travaillent à distance, entre un jour par mois et quatre jours par semaine. Les techniciens qui interviennent sur le terrain ne le peuvent pas. Nous avons développé pour eux des outils, comme les lunettes à réalité augmentée, qui permettent de faire des réglages – déplacer un clavier, brancher une prise – à distance chez le client. Cela nous a bien servi pendant le confinement.
Qu’avez-vous revu dans votre organisation ?
C. T. : Il est essentiel de fragmenter les activités. Pour chaque nouveau projet, nous formons une nouvelle équipe, une cellule autonome, qui doit répondre à trois obligations : communiquer régulièrement, recourir à ceux qui possèdent la connaissance sur le sujet traité – coach, prestataire, formateur, etc. – et capitaliser les connaissances sur une plateforme.
Cette fragmentation permet de gérer l’activité non pas de manière individuelle mais par flux d’activité. Chacun se connecte au flux de sa cellule quand il souhaite avancer. Avec cette organisation, on évite la surcharge de travail et le stress : plus besoin de se connecter tout le temps par crainte de voir son travail s’accumuler.
Une cellule de régulation permet d’avoir un regard global dans l’entreprise : le comité de direction, auquel participent des collaborateurs chaque mois. Sinon, tous les lundis, nous nous retrouvons au siège. S’il y a besoin de venir une deuxième fois, c’est le jeudi. Le reste du temps, chacun indique sur le planning quand il compte passer.
En quoi le management a-t-il changé ?
C. T. : Nous avons des managers opérationnels, qui s’occupent du quotidien. Ce sont des capitaines d’équipe, pour chaque flux d’activité. Et nous avons sept managers relationnels, comme des coachs : chaque collaborateur en choisit un pour l’année. L’un des points clés pour les managers opérationnels est d’apprendre à lâcher prise. Dans un premier temps, il y a un vrai travail à faire. Dans un second, ils sont moins sollicités. En 2009, je travaillais soixante heures par semaine. Aujourd’hui, je suis à mi-temps sur la partie opérationnelle de mon entreprise. J’ai moins de pouvoir, je ne suis pas au courant de tout, mais je retrouve du souffle pour ma famille et mes passions.
- 1PDG d'Agesys.