Il s'est passé quoi en vingt-cinq ans ?
"Si le travail, c'est la santé, à quoi sert alors la médecine du travail ?" a ironisé le sénateur socialiste Yves Daudigny, citant Pierre Dac, pour introduire les 7es Rencontres de Santé & Travail. Lors d'une première table ronde, plusieurs membres de notre comité de rédaction ont dressé un bilan, depuis la création du magazine, de l'évolution des conditions de travail et de leur prise en charge. Il y a tout d'abord une meilleure visibilité de certains risques professionnels, comme l'a souligné Dominique Huez, médecin du travail. "Avant la circulaire de 1985, il était impensable de parler de cancers d'origine professionnelle. De même, au milieu des années 2000, la souffrance au travail était un gros mot. On progresse !" Si les connaissances en santé au travail ont avancé, les atteintes à la santé, elles, reculent peu. Ainsi, pour Bernard Dugué, ergonome, les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent "10 millions de journées de travail perdues". Quant aux fameux risques psychosociaux (RPS), ils ne sont que la partie visible de l'iceberg des effets des nouvelles formes d'organisation du travail. "En situation de stress chronique, le corps mobilise son principal système de défense contre les agressions : l'inflammation, a précisé Philippe Davezies, chercheur en santé au travail. Or celle-ci est la force motrice de l'ensemble des pathologies chroniques associées au vieillissement
En regard, les dispositifs de reconnaissance et de réparation demeurent fragiles et pas vraiment à la hauteur des enjeux. Ainsi, le compte pénibilité, finalement mis en oeuvre après avoir fait débat depuis 2003, a été "bien amputé" récemment, suite à l'éviction de quatre facteurs de risque importants, a constaté Serge Volkoff, directeur de recherche au Centre d'études de l'emploi. "Vu l'absence de rétroactivité et, maintenant, de prise en compte des risques chimiques, il faudra tomber malade avant de partir en retraite", a-t-il déploré. L'éviction des risques chimiques du dispositif pénibilité passe mal. Et pas seulement pour la réparation. Gérard Lasfargues, professeur de médecine du travail, a rappelé que plus de 2 millions de salariés étaient exposés à des substances cancérogènes et a regretté la disparition de la traçabilité individuelle des expositions (voir article page 6 de ce numéro). Pourtant, la prévention est bien souvent rentable : "Selon l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, pour chaque euro investi dans la prévention, les retombées sont de 2,20 euros", a expliqué Laurence Théry, directrice du travail.