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Une initiative pour convaincre les entreprises d’écouter leurs salariés

par Catherine Abou El Khair / 02 juillet 2024

Persuader un millier d’entreprises de miser sur l’écoute de leurs salariés afin de muscler leurs politiques de prévention. C’est le pari du « Projet 41-21 » lancé par le préventeur Vincent Baud, lequel plaide pour la reconnaissance de l’écoute comme principe général de prévention.

Le Projet 41-21, officiellement lancé le 13 juin par un collectif de préventeurs et de personnalités engagés dans la prévention des risques professionnels, fait référence à l’article éponyme du Code du travail. Il promeut l’écoute des salariés comme principe de prévention. « Il faut emmener le débat sur les situations de travail », explique le préventeur et fondateur du cabinet Master Vincent Baud, qui préside le fonds de dotation du projet. Son objectif ? Convaincre un millier d’entreprises de mettre en application un référentiel, que cet ancien de la Carsat Sud-Est qualifie de « mode d’emploi d’écoute des travailleurs ». Une démarche sur laquelle les entreprises ont besoin d’être guidées : « la peur des chefs d’entreprise, c’est qu’en écoutant les salariés, ils ouvrent une boîte de Pandore », estime-t-il.  
L’application de ce cahier des charges sera suivie et évaluée afin de documenter les bénéfices d’une vraie démarche d’écoute sur la santé au travail mais aussi les résultats économiques des entreprises. Un travail confié à un laboratoire indépendant qui sera financé par le fonds de dotation. « On veut démontrer que c’est rentable », insiste Vincent Baud.

Entretiens individuels sur la qualité de vie au travail

La feuille de route à suivre se compose de neuf blocs de mesures à respecter (et dix pour les entreprises de plus de 50 salariés) autour de la santé au travail. Et impose en particulier l’organisation d’entretiens d’écoute individuels dédiés à la santé et à la qualité de vie au travail. Pendant ces temps d’échange, les salariés vont pouvoir s’exprimer « sur la façon dont ils font et vivent leur situation de travail ». Le référentiel prévoit aussi un temps de management collectif « dans chaque unité de travail » avec les salariés concernés afin de recenser les risques qui les concernent et proposer des mesures de prévention. 
L’autre nouveauté mise en avant par Vincent Baud est l’effort d’exhaustivité qui sera demandé aux entreprises dans leurs statistiques relatives à la santé au travail. Il leur faudra recenser les « atteintes à la santé », au-delà des simples accidents du travail. Le préventeur insiste en particulier sur l’importance de récolter des données relatives aux problèmes psychiques liés au travail, par exemple en interrogeant les médecins du travail sur le nombre de salariés reçus à ce sujet, ou en relevant le nombre de personnes qui ont appelé une hotline d’assistance psychologique.

Le dialogue social en question 

Pour Laurence Théry, directrice de l’Aract (Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail) des Hauts-de-France, cette démarche va dans le bon sens. « S’appuyer sur la parole des salariés rejoint notre approche », souligne la directrice de l’Aract, membre du comité de rédaction de Santé & Travail. Elle salue aussi l’accent mis dans le référentiel sur les nouveaux embauchés et les intérimaires, lesquels font l’objet de mesures spécifiques.
Cependant, « on aurait pu exiger que le référentiel se traduise par des engagements sous la forme d’un accord collectif », relève-t-elle. « On met les partenaires sociaux dans la boucle », observe de son côté Vincent Baud. Dans le cahier des charges, il est en effet prévu que le CSE ou un « salarié compétent » soit membre du comité de pilotage interne à l’entreprise qui valide la feuille de route puis en surveille le suivi. 

Vers un dixième principe général de prévention 

Les soutiens se multiplient en faveur de cette initiative. Dans le comité de pilotage du projet chargé d’organiser l’accompagnement des entreprises figurent plusieurs services de santé au travail (Expertis, Efficience, APST 35, Sud Loire Santé au travail). Quant au comité d’évaluation du projet, il a été rejoint par Sophie Thiéry, la co-auteure du rapport issu des Assises du Travail paru l’an dernier et qui appelle à ériger l’écoute des salariés en dixième principe général de prévention dans le Code du travail. Mais aussi par Hervé Lanouzière, l’ex-directeur général de l’Anact. 
L’avocat spécialisé Michel Ledoux fait également parti de ce comité. « L’ouverture sur les sujets de santé et de sécurité au travail est notable. Il y a quelques années, cela n’intéressait personne », considère ce défenseur historique des victimes de l’amiante. Accompagnant aujourd’hui des entreprises dans ces dossiers, il cherche « des solutions pour aller plus loin », alors que la fréquence des accidents du travail et de maladies professionnelles ne diminue pas. « La racine des accidents du travail et des maladies professionnelles, c’est l’organisation du travail, laquelle reste totalement descendante », renchérit-il. 
Reste à convaincre les entreprises de s’engager dans la démarche mais aussi les préventeurs, appelés à jouer un rôle de « référent » à titre bénévole pour aiguiller les employeurs volontaires et salariés. Pour l’heure, 80 professionnels de la prévention ont déjà manifesté leur intérêt.

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