Inquiétudes sur la prise de tranquillisants au travail
Les médicaments prescrits pour soulager l’anxiété, le stress ou l’insomnie, parfois suite à un accident du travail, sont aussi susceptibles d’en provoquer. En cause, leurs effets indésirables comme la somnolence ou les troubles cognitifs.
Xanax, Lexomil, Valium… Ils font parfois partie intégrante de la boîte à pharmacie familiale, sans que leurs effets indésirables soient connus. C’est pourtant écrit noir sur blanc dans leur notice : « La conduite et l'utilisation de machines dangereuses sont fortement déconseillées, surtout dans les heures qui suivent la prise du médicament. » Dans certains milieux professionnels, voilà une contre-indication fort problématique. La consommation d’anxiolytiques et somnifères d’une certaine famille, les benzodiazépines, peut causer des accidents du travail à cause des effets secondaires : somnolence pendant la journée, manque de concentration, troubles de l’équilibre susceptibles de provoquer une chute, mais aussi dépendance physique et mentale. Et être victime d’un accident du travail peut inciter le médecin traitant à en prescrire, d’autant plus si celui-ci est grave. En effet, au-delà de l’atteinte physique, le choc psychologique de l’incident est susceptible de provoquer du stress voire de l’anxiété et d’empêcher de dormir.
Un surrisque d’accident lié à une consommation prolongée
Une étude conduite par François-Olivier Baudot, doctorant à l’université Paris-Est Créteil, montre ainsi une hausse de 34 % de la probabilité de consommer des benzodiazépines à la suite d’un accident du travail. L’Assurance maladie, qui comptabilise les dépenses de médicaments et les indemnisations liées aux risques professionnels, a permis au chercheur de croiser ces deux bases de données, afin de mettre en évidence des liens entre ce type de traitement et les accidents du travail. Ces travaux montrent que le risque de survenue est minime dans le mois qui suit la prise de benzodiazépines, par rapport aux périodes de non-consommation. D’abord, parce que les médicaments ont un effet bénéfique, mais aussi parce que les salariés sont souvent en arrêt maladie et ne sont donc pas exposés.
C’est lorsque qu’une consommation prolongée est observée, c’est-à-dire au-delà des recommandations de trois mois de traitement, que les problèmes se posent, avec un risque d’accident du travail majoré. « Les benzodiazépines sont addictifs, ils ne sont pas censés être pris sur la durée pour des troubles anxieux. Quand il y a un dépassement de la durée de traitement recommandée, on constate une diminution de l’efficacité attendue et une hausse des risques d’effets indésirables », souligne François-Olivier Baudot. Mais, globalement, indique-t-il toutefois, « le choc de l’accident du travail n’entraîne pas une spirale de consommation de benzodiazépine sur le long terme ».
Des restrictions d’activité
Le surrisque d’accidents du travail devrait en tout cas inciter les praticiens prescripteurs à respecter la limite de trois mois et les médecins du travail à alerter leurs confrères sur ce point. Pour la Dre Brigitte Clodoré, qui exerce à la mairie de Paris, les premiers ne connaissent pas forcément la dangerosité des métiers exercés par leurs patients : « Nous échangeons avec eux pour amener les personnes vers un sevrage médicamenteux progressif et d’autres accompagnements thérapeutiques, psychiatriques ou psychologiques. En cas de troubles du sommeil, il est possible de les orienter vers une consultation du sommeil, une prescription de mélatonine ou de relaxation ». Le problème devient plus épineux quand les salariés prennent régulièrement des tranquillisants depuis des mois, voire des années, sans que ce soit lié à un accident du travail. « Il faut envisager des restrictions d’activité pour limiter les risques le temps de trouver une alternative », rapporte-t-elle encore.
Visite de reprise d’autant plus incontournable
D’autant que l’arrêt du traitement, quelle que soit sa durée, est un passage difficile. « Les effets indésirables cessent, mais un rebond de la pathologie sous-jacente peut survenir, décrit François-Olivier Baudot. Il s’agit d’une aggravation des symptômes préexistants, une des conséquences possibles de la prise de benzodiazépines. On observe alors un pic d’accidents du travail après avoir stoppé les médicaments. » La visite de reprise est alors essentielle : « Dans la mesure du possible, nous adaptons le poste ou les tâches mais parfois ça n’est pas possible », commente Brigitte Clodoré, qui suit des salariés aux métiers dangereux – bûcheron, scaphandrier, menuisier, etc. Lors de la visite de reprise d’un salarié conducteur d’engin, elle a dû proposer au médecin traitant de prolonger son arrêt maladie, le temps d’ajuster le traitement. Le risque d’accident était trop important.