Le juge, le CHSCT et le politique
Les juges seraient-ils devenus les meilleurs alliés de la santé au travail et des CHSCT ? Il est permis de le penser après l'arrêt Snecma du 5 mars, rendu par la Cour de cassation, laquelle confère une nouvelle dimension à l'"obligation de sécurité de résultat" pesant sur l'employeur1 . En confirmant la suspension d'une réorganisation au motif qu'elle est "de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs", les magistrats de la Cour suprême donnent un sérieux coup de pouce à la prévention des risques professionnels.
Certes moins spectaculaire que sa devancière - les arrêts amiante de 2002 sur la faute inexcusable de l'employeur -, cette décision est passée relativement inaperçue. Elle n'en comporte pas moins les germes de futurs bouleversements dans la gestion de la prévention par les entreprises. Ce qui avait inquiété les cénacles patronaux dans les arrêts de 2002, c'était la perspective de devoir payer une facture beaucoup plus salée pour la réparation des maladies professionnelles. Là, ce qui irrite le Medef, c'est que les juges posent une sérieuse limite au sacro-saint pouvoir de direction de l'employeur. La santé des salariés devient un principe supérieur à la symbolique liberté d'entreprendre.
Mais par-dessus tout, les employeurs vont devoir désormais composer avec des CHSCT dont la consultation et les avis vont devenir déterminants. Ainsi, dans l'arrêt Snecma, le CHSCT avait rendu un avis défavorable. Il est bien loin le temps où le CHSCT était considéré comme une instance de seconde zone. Avec la montée des troubles psychiques et l'explosion des troubles musculo-squelettiques, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail devient un acteur majeur de la vie sociale. La même Cour de cassation n'a-t-elle pas, en novembre dernier, sanctionné une entreprise d'assurances pour avoir mis en place des entretiens annuels d'évaluation sans consultation préalable du CHSCT ?
Reste que cette instance n'est pas forcément à la hauteur des nouveaux enjeux ni de ses nouveaux pouvoirs. Suffrage universel direct pour la désignation des élus, renforcement de leur formation, amélioration de l'implantation dans les PME et sur un même site, création d'un budget de fonctionnement : ce ne sont pas les pistes de réforme qui manquent. Evidemment, ces perspectives-là n'enchantent guère les milieux patronaux, qui préféreraient une réforme réglementaire pour amoindrir cette source supplémentaire de tracasserie. N'a-t-on pas entendu récemment un responsable de la métallurgie réclamer que la désignation des experts du CHSCT se fasse conjointement entre l'employeur et les représentants du personnel ? Le plus sûr moyen de vider l'expertise CHSCT de sa substance... C'est là qu'entre en scène le politique. Le gouvernement va-t-il accéder à la demande patronale, comme il nous y a habitués depuis quelques mois, ou va-t-il accompagner l'émancipation de cette instance représentative du personnel pour créer une vraie dynamique de prévention dans les entreprises ?
Pour une fois, surprenez-nous, Monsieur Xavier Bertrand !
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Voir l'article page 18.