L'action sur les conditions de travail à l'heure du CSE
Le fonctionnement du CSE est davantage régi par la négociation que par la loi. Ce qui implique un dialogue social sur les questions de santé au travail, pour assurer leur prise en charge mais aussi cadrer la mise en place d'une commission dédiée.
A la fin de cette année, les CHSCT auront totalement disparu. Les ordonnances de septembre 2017, réformant le Code du travail, ont en effet disposé qu'à compter du 1er janvier 2020, les entreprises devront avoir fusionné les trois institutions représentatives du personnel - CHSCT, comité d'entreprise et délégués du personnel - en une seule entité : le comité social et économique (CSE). Elles prévoient également que, pour les entreprises ou établissements de plus de 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) soit mise en place. Ces dispositions sont d'ordre public (voir "Repère") et il n'est pas possible d'organiser différemment la représentation du personnel. En revanche, la possibilité de créer une CSSCT est également ouverte dans les entreprises de moins de 300 salariés par voie d'accord.
Une ère nouvelle s'ouvre donc pour les représentants du personnel et les militants syndicaux. Cette évolution est l'occasion de réfléchir à la place des questions de santé au travail dans l'entreprise et, tout particulièrement, au sein du CSE. Comment cette nouvelle instance va-t-elle les faire vivre pleinement, en associant tous les acteurs concernés ? La mise en place d'une CSSCT, y compris en deçà du seuil réglementaire de 300 salariés, représente un enjeu pour une meilleure prise en compte de ces questions dans l'entreprise.
Changement de paradigme
Si la CSSCT est la seule commission d'ordre public du CSE, elle ne remplace pas et n'est pas la continuité de l'ancien CHSCT. Elle n'est qu'une émanation du CSE, n'exerce que des compétences déléguées par celui-ci, n'est pas consultée à sa place et ne peut pas décider du recours à un expert ou rendre un avis. Son fonctionnement ne relève plus de la loi. C'est un accord collectif majoritaire avec les syndicats ou, à défaut, avec le CSE, ou bien le règlement intérieur de celui-ci qui détermine le fonctionnement de la ou des CSSCT : nombre et périmètre dans l'entreprise, nombre de membres, heures de délégation, formation générale ou spécifique des élus, moyens alloués... Alors qu'auparavant la représentation du personnel était uniformément organisée par la loi, elle relève à présent de la négociation et du dialogue social, voire du pouvoir de direction de l'employeur. C'est là un changement de paradigme notable, qui devrait fortement influer sur le rôle joué par la CSSCT.
Ce rôle sera d'autant plus déterminant qu'il n'existe plus d'instance représentative dédiée aux sujets de santé au travail dans l'entreprise. La logique est celle d'un CSE pluricompétent sur de nombreux sujets, dont la promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, l'analyse des risques professionnels, l'accès des femmes à tous les emplois, l'emploi des personnes handicapées. Il peut en outre susciter toute initiative qu'il estime utile en ces matières. L'enjeu est alors d'éviter que ces sujets n'apparaissent secondaires, subalternes ou accessoires, au regard des questions économiques et sociales liées à la conduite de l'entreprise, champ de compétence du comité d'entreprise et aujourd'hui du CSE.
A cet égard, l'expérience des CHSCT - dont seulement 14 000 des 24 000 existants se réunissaient au moins quatre fois par an - permet d'identifier trois freins majeurs : la faiblesse des échanges entre syndicats et direction sur les enjeux d'une amélioration du rapport entre santé et travail ; l'absence de méthode pour traiter ces sujets ; le manque de temps lié à la charge de travail des acteurs, qui nuit aux remontées d'informations. Or les questions de santé au travail sont complexes et nécessitent de construire des points de vue collectifs, en associant les salariés, leurs représentants, l'encadrement et la direction. Parler du travail et de son organisation se fait nécessairement en mettant en lien les opérationnels et la stratégie. Cela ne peut donc pas être un sujet marginal dans le fonctionnement du CSE. Il faut y penser dès la mise en place de l'instance.
En regardant de plus près les premiers accords instituant les CSE, on observe que certaines entreprises ont su faire preuve d'originalité pour lever ces obstacles. S'agissant des échanges sur le fond entre partenaires sociaux, les entreprises les plus avancées ont engagé la réflexion dès l'accord préélectoral. Elles ont pu débattre de l'intention mutuelle des acteurs, partager des repères communs et des objectifs liés à la mise en place de l'instance. Les protagonistes, sortis de leur posture traditionnelle, se sont engagés sur le traitement des questions du travail et la nécessité de recueillir une pluralité de points de vue, afin de construire les actions de prévention. C'est à ce niveau-là que peut aussi être discutée l'articulation entre les dimensions économiques et l'organisation du travail. Comment éclairer les réflexions stratégiques de l'entreprise avec des considérations sur les conditions de travail et la santé ?
L'importance du dialogue social
Ces engagements réciproques et les objectifs assignés au CSE doivent ensuite permettre d'élaborer le cadre de fonctionnement et les moyens de l'instance sur la santé au travail. Cela peut être négocié en amont du protocole d'accord préélectoral ou après l'élection, avec l'élaboration du règlement intérieur. C'est à cette étape que peut se décider la mise en place d'une CSSCT, y compris en dehors des hypothèses légales. Un choix que de nombreuses entreprises de moins de 300 salariés ont déjà fait, parce qu'elles sont convaincues que c'est indispensable à leur bon fonctionnement. La commission est alors dotée de moyens : formation, crédit d'heures, lien avec les représentants de proximité. D'autres entreprises y ont réfléchi une fois le CSE mis en place, en créant une commission chargée de faire un état des lieux du dialogue social sur les conditions de travail et de définir les perspectives. Ailleurs, le règlement intérieur du CSE a prévu la mise en oeuvre d'un groupe d'expression des salariés auquel participe un élu, sans que cela s'impute sur ses heures de délégation, afin de remonter des informations, des mécontentements ou des propositions en santé au travail.
Les modalités de formalisation du fonctionnement et des moyens du CSE sont donc plurielles et à la main des acteurs. Elles sont à imaginer, dès lors qu'il y a une volonté commune, une concertation, voire un accord sur ce qu'il est possible de faire dans l'entreprise, notamment s'agissant de la CSSCT. Cela implique de mettre en place le CSE avec créativité, en travaillant les enjeux et non en visant le respect minimal de la réglementation. L'accord majoritaire ou le règlement intérieur du CSE ont bien pour fonction de détailler les modalités de fonctionnement de l'instance, ainsi que ses rapports avec les salariés, mais cela n'a d'intérêt qu'en présence d'une concertation ou d'une négociation en amont sur les orientations globales. La CSSCT n'étant pas l'héritière de feu le CHSCT, seul un réel dialogue social dans l'entreprise permettra aux élus du personnel de maintenir un haut niveau d'intervention en matière de santé au travail.