L’amiante encore et toujours
Actuellement, les cancers broncho-pulmonaires et de la plèvre (mésothéliome) en lien avec l’exposition à l’amiante sont les seuls à disposer de tableaux de maladie professionnelle dans les régimes général et agricole. Dans un avis du 9 septembre dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) estime que les cancers du larynx et des ovaires ont toutes les raisons d’en être dotés à leur tour. En atteste l’expertise qu’elle vient de mener à partir de « nombreuses études scientifiques de qualité », et qui montre le lien causal avéré entre ces deux pathologies et l’exposition aux fibres d’amiante.
Dès 2012, cette corrélation avait pourtant été admise par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), mais cela n’avait pas déclenché le processus de création de tableau. Ni de déferlement de demandes de réparation. Et pour cause, explique Alexandra Papadopoulos, coordinatrice de l’expertise Anses : « L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers ».
De fait, les cancers du larynx et des ovaires liés à l’amiante au travail sont sous-déclarés et sous-reconnus. Entre 2010 et 2020, 130 demandes de reconnaissance ont été examinées pour les premiers, et six pour les seconds. La création de ces tableaux, qui faciliterait la reconnaissance et donc l’indemnisation des malades, dépend maintenant des pouvoirs publics. Selon nos informations, des discussions ont commencé mardi 4 octobre au sein de la commission spécialisée sur les maladies professionnelles (CS4) du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), en vue de l'élaboration de ces tableaux.
De son côté, la Commission européenne a annoncé, le 28 septembre, deux mesures intégrées au plan européen pour vaincre le cancer. La première propose de modifier la directive sur l’amiante au travail, en divisant par 10 la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) actuelle : elle passerait ainsi de 0,1 fibre par cm³ d’air à 0,01 fibre/cm³, un seuil déjà adopté par la France depuis 2015. La seconde vise à améliorer les diagnostics et le traitement des maladies causées par le « magic mineral », mais aussi la détection et l’élimination de cette substance, de même que la gestion de ses déchets.