© Nathanaël Mergui/Mutualité française
© Nathanaël Mergui/Mutualité française

L’Anses tire la sonnette d’alarme sur la silice

par Rozenn Le Saint François Desriaux / 22 mai 2019


L’avis rendu public ce 22 mai par l’Anses à propos des expositions professionnelles à la silice cristalline est sans appel : il est urgent de renforcer les dispositions de prévention réglementaires et d’améliorer la réparation des maladies professionnelles.

« Au regard des niveaux d’exposition observés actuellement en France, et des excès de risque disponibles dans la littérature, l’existence d’un risque sanitaire particulièrement élevé (supérieur à 1 pour 1000) pour la population professionnelle exposée à la silice cristalline est confirmé. La valeur actuelle de la VLEP-8h [valeur limite d’exposition professionnelle sur 8 heures, NDLR] de 0,1 mg/m3 n’est pas suffisamment protectrice. » La conclusion de l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) rendu public ce mercredi 22 mai est sans ambiguïté. Et les auteurs ont tenu à préciser, dans une note de bas de page, que le risque sanitaire observé était « de 10 à 100 fois supérieur aux valeurs classiquement utilisées pour la gestion d’un risque ». Une façon de mettre en évidence l’urgence des mesures de prévention face à un niveau de risque élevé.

365 000 travailleurs exposés

Le risque est d’autant plus sérieux que la population exposée est importante, comme le soulignent les experts réunis par l’Anses. Si les dernières mines de charbon, grands pourvoyeurs de la sinistre silicose, ont fermé depuis une bonne quinzaine d’années, la silice industrielle ainsi que les matières minérales et matériaux contenant de la silice cristalline sont utilisés en tant que matière première, additif ou auxiliaire technologique, avec ou sans transformation, dans une multitude d’applications : verrerie, fonderie, chimie, caoutchoucs, peintures, construction avec bétons, parements funéraires, etc. Au total, l’Agence recense pas moins de 365 000 salariés exposés à la silice cristalline, en particulier au quartz. Et elle estime qu’entre 23 000 et 30 000 travailleurs sont exposés à des niveaux excédant la VLEP actuellement en vigueur.
En outre, on sait maintenant que la silicose et le cancer bronchopulmonaire ne sont pas les seules pathologies induites par une exposition chronique à la silice, qui est classée comme substance cancérogène avérée pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). L’expertise de l’Anses confirme une association significative entre une exposition à la silice cristalline et le risque de développer une maladie auto-immune comme la sclérodermie systémique, le lupus systémique et la polyarthrite rhumatoïde. L’avis signale aussi l’augmentation du risque de développer des pathologies respiratoires non malignes autres que la silicose, telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’emphysème et la tuberculose.

Abaisser la VLEP

Pourtant, en France, la silice reste pour l’heure simplement considérée comme agent chimique dangereux et non pas comme un CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) pour laquelle la réglementation est plus exigeante. D’où l’appel de l’Anses à transposer en droit français, « dans les meilleurs délais », la directive européenne du 12 décembre 2017, qui établit le caractère cancérogène des travaux exposant à la poussière de silice cristalline.
Les experts préconisent également d’abaisser la VLEP sur 8 heures et de revoir les méthodes de mesure de l’exposition. Ils conseillent de réaliser cette mesure directement par prélèvement atmosphérique, plutôt que dans les matériaux bruts ou « à partir des résultats de mesures en poussières alvéolaires sans effet spécifique » telles que définies par la réglementation.

Réviser le tableau de maladies professionnelles

Pour l’Anses, il apparaît indispensable « de généraliser la mise en place de mesures de prévention telles que le travail à l’humide et/ou le captage à la source en vérifiant systématiquement au préalable leur efficacité en fonction des outils et techniques utilisés, y compris dans les chantiers mobiles ». Plus globalement, l’Agence suggère d’améliorer la sensibilisation dans les secteurs traditionnellement à risque, comme l’extraction et le BTP, mais aussi dans ceux liés au taillage des pierres artificielles, où le danger est moins connu.
Par ailleurs, les experts plaident en faveur d’une révision du tableau de maladies professionnelles n° 25. Ils recommandent notamment de permettre la réparation du cancer bronchopulmonaire comme pathologie indépendante, et non comme une complication de la silicose. Ce qui constituerait une avancée majeure.
Enfin, l’Anses insiste sur la nécessité d’améliorer le suivi médical des salariés exposés ou ayant été exposés et de faire évoluer le diagnostic et le dépistage des pathologies induites par ce polluant.