L'ergotoxicologie, nouvel outil de prévention du risque chimique
C'est probablement à l'ergonome Robert Villatte que l'on doit la première mention d'une approche " ergotoxicologique " concernant la prévention du risque chimique et cancérogène. Au milieu des années 1980, considérant que les normes d'exposition aux toxiques étaient davantage des points de repère que des certitudes de non-danger, il suggérait que la toxicité des produits soit " évaluée à partir de la prise en compte des caractéristiques des travailleurs qui sont exposés : âge, sexe, ancienneté au poste de travail, antécédents médicaux et, évidemment, activité de travail "1
Dans les années 1990, cette démarche s'est développée et a été appliquée notamment à la prévention des expositions aux pesticides en milieu agricole ou à l'amiante sur les chantiers de déflocage. Il s'agit d'une pratique particulière de l'ergonomie, articulant l'analyse des activités de travail exposant à des produits chimiques avec la mesure d'indicateurs physiologiques, de concentrations de polluants ou de facteurs d'ambiances physiques. Cette articulation spécifique et la prise en compte des savoir-faire et représentations des travailleurs vis-à-vis du risque chimique ont permis de pointer et dépasser les limites du modèle classique de prévention, fondé sur le respect de normes d'exposition, son suivi par les acteurs de prévention et le port d'équipements de protection. L'approche ergotoxicologique permet en effet d'évaluer l'efficacité des mesures de prévention dans le cadre des situations de travail réelles, en ciblant les transformations à apporter aux process, à l'organisation du travail ou à la formation des travailleurs afin de réduire les expositions.
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Voir " Toxicologie et ergonomie ", par Robert Villatte, in Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner, La Découverte, 1985.