"L'Etat ne définit plus seul les orientations"
En pleine contestation du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) par le patronat, la seconde table ronde de ces 6es Rencontres, réunissant pouvoirs publics et partenaires sociaux, était très attendue. Tour à tour, Alain Alphon-Layre, responsable confédéral de la CGT, et son homologue de la CFDT, Hervé Garnier, ont rappelé que leurs centrales respectives avaient fait du travail une priorité. "On ne sortira de la crise qu'en changeant le travail", a asséné le premier. Signataire de l'accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail, en juillet 2013, le second a insisté sur "la dimension stratégique des conditions de travail, car elles visent le long terme". Sur ce point au moins, le seul représentant patronal qui avait accepté l'invitation, Jean-Pierre Azaïs, de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (Udes), était d'accord : "L'amélioration des conditions de travail est la priorité numéro un."
"Peu d'élus" au C3P. Concernant le C3P, l'insatisfaction était de mise. Les fiches d'exposition devraient avant tout permettre aux employeurs de construire des politiques de prévention. "Il y a dix critères, mais on nous dit que c'est une usine à gaz !", s'est indigné Hervé Garnier. Les mesures des gestes et postures et l'exposition aux produits chimiques ont été remises en cause, alors que "ce sont de vrais risques !", a-t-il ajouté. "Il y aura malheureusement peu d'élus, car le C3P n'est pas rétroactif", a critiqué Alain Alphon-Layre, considérant que nombre de salariés déjà abîmés en seront exclus.
"La température monte et on préfère casser le thermomètre", ont accusé les syndicalistes. "Très sincèrement, je ne crois pas", a répondu Yves Struillou, directeur général du Travail, en assurant de l'implication des pouvoirs publics. Il a concédé un changement de "posture" de l'Etat stratège sur la santé au travail, qui a confié les orientations du 3e plan santé-travail à la concertation entre organisations syndicales et patronales, sous la houlette du Comité d'orientation sur les conditions de travail (Coct). "L'Etat ne définit plus seul les orientations", a confirmé Christian Lenoir, secrétaire général de l'instance. Un travail "souterrain" qui "a connu des hauts et des bas, mais n'a pas abouti à un consensus mou", a affirmé Yves Struillou. Les orientations mettent plus l'accent sur la prévention que sur la réparation, avec pour grands chapitres : simplifier mais évaluer l'opérationalité des règles ; prioriser les risques psychosociaux ; rassembler les données de santé ; structurer un système d'acteurs.