Levée de boucliers contre la réforme
Le précédent projet de loi sur la médecine du travail, greffé en catimini à la réforme des retraites, avait déjà suscité une vive opposition chez les professionnels en raison des risques de mise sous tutelle de la médecine du travail1 . Considéré comme un cavalier législatif, ce projet a été invalidé en novembre dernier par le Conseil constitutionnel. La nouvelle mouture du texte, adoptée le 27 janvier en première lecture par le Sénat, reprend les grandes lignes de la réforme souhaitée par le gouvernement. Mais des avancées en matière de gouvernance ont été in fine concédées aux organisations syndicales. Sans remettre en cause l'esprit de la réforme, la CFDT et la CGT avaient plaidé en faveur d'une évolution de la gouvernance des services de santé au travail (SST) dans une lettre commune adressée aux sénateurs. Elles ont visiblement été entendues. Ainsi, les conseils d'administration (CA) des SST deviendraient paritaires. De même, la présidence des CA serait tournante entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés. Enfin, la commission de contrôle des SST serait maintenue.
Sans attendre l'examen de ce projet de loi en avril par l'Assemblée nationale, les organisations de médecins du travail, l'ensemble des partis de gauche et l'union syndicale Solidaires se sont mobilisés pour dénoncer une entreprise de démolition de la médecine du travail. Ils ont notamment organisé un meeting unitaire, le 10 février, à Paris.
Confusion des genres. Pour les détracteurs de la réforme, celle-ci risque en effet d'assujettir les actions des médecins du travail à la volonté des employeurs. Elle introduit une confusion entre la gestion des risques, qui relève exclusivement de la responsabilité de l'employeur, et l'évaluation des conséquences des risques professionnels sur la santé des salariés ainsi que l'alerte, qui relèvent de la responsabilité du médecin du travail. De ce fait, ce dernier pourrait être cantonné au rôle de " supertechnicien " venant assister l'employeur, sous son autorité, dans la gestion des risques, en lien avec les intervenants en prévention des risques professionnels.
Les organisations s'inquiètent du fait que les employeurs soient à la fois juges et parties : producteurs des risques, ils auront la main sur leur évaluation et leur gestion sans le regard indépendant des médecins du travail.
Par ailleurs, avec la contractualisation des actions prioritaires entre les SST, les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et les directions régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi, l'équipe de santé au travail pourrait être dessaisie de toute initiative répondant aux besoins de prévention des salariés dont ils assurent la surveillance.
Enfin, les organisations de médecins du travail estiment que le paritarisme ne supprime pas le rôle prédominant des employeurs au sein des SST.
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Voir Santé & Travail n° 72, octobre 2010, page 14.