De l’influence du travail sur le tabagisme

par Clotilde de Gastines / 23 août 2016

Certaines des contraintes auxquelles sont exposés les salariés fumeurs influent sur leur consommation de tabac. Avec des différences entre hommes et femmes. En ligne de mire : le port de charges lourdes, la pression de l’employeur et l’insécurité de l’emploi.

Les salariés fument davantage quand ils sont confrontés à des risques physiques ou psychosociaux. En revanche, la consommation de tabac ne semble pas liée à l’intensité du travail. Ces constats sont issus d’une récente étude de la direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares), menée à partir des résultats de l’enquête Santé et itinéraire professionnel (2006-2010). Analysant les liens entre conditions de travail et tabagisme, les chercheurs mettent en lumière trois facteurs aggravants : « la manipulation d'objets lourds, la pression de l'employeur et l'insécurité de l'emploi ». Cette dernière conduit ainsi les actifs salariés ou en recherche d’emploi à tripler leur consommation.

L’évolution des conditions de travail n’a pas la même incidence sur la consommation de tabac chez les hommes et les femmes. Elle a augmenté chez les hommes actifs, surtout chez ceux qui ont perdu leur emploi, tandis qu’elle reste stable chez les femmes. En moyenne, les fumeurs allument 14,3 cigarettes par jour, contre 12 pour les fumeuses.

Des comportements différenciés

Une femme augmente sa consommation de tabac quand elle est exposée aux produits chimiques, au froid ou à la saleté, alors qu’un homme la diminue. « Il est possible que, se sentant davantage exposés à ces produits, les hommes, consciemment ou inconsciemment, compensent en réduisant leur exposition au tabac », écrivent les chercheurs. Les femmes sont aussi moins alertées sur les risques chimiques auxquelles elles sont exposées, car ils sont moins mis en évidence (lire l’article de Santé & Travail, « Les femmes, victimes oubliées du travail »).

Une salariée réduit sa consommation lorsque qu’elle gagne en autonomie. De façon plutôt inattendue, elle fume plus « quand son travail est reconnu à sa juste valeur ». Et moins lorsqu’elle doit faire des choses qu’elle désapprouve. De même, le fait de travailler au contact avec un public (usagers, clients, élèves, patients) et de subir des tensions conduit à diminuer sa consommation. Les chercheurs émettent plusieurs hypothèse : l’effet de l’interdiction de fumer dans les lieux publics et la moindre disponibilité pour sortir fumer. Enfin, Les hommes ont tendance à fumer davantage lorsqu’ils doivent porter des charges lourdes et sont exposés à la peur.

 

 

LE BORE-OUT : UNE IMPOSTURE SCIENTIFIQUE ?

Au printemps dernier, de nombreux médias se sont penchés sur le syndrome d'épuisement professionnel par l’ennui au travail, ou « bore-out syndrom », suite à la parution de l’ouvrage éponyme de Christian Bourion (Le Bore-out syndrom. Quand l’ennui au travail rend fou). Ledit ouvrage, comme la démonstration de l’auteur, ont fait l’objet d’une analyse très critique de deux professeurs en management, dans une tribune publiée en avril dernier dans le journal suisse Le Temps et sur le site www.contrepoints.org, malheureusement passée inaperçue. « Ce phénomène n’est pas contestable mais l’ampleur qui lui est attribuée tout comme ses prétendues causes relèvent de l’imposture », écrivent Céline Desmarais, de la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du Canton de Vaud, et Emmanuel Abord de Chatillon, de l’université de Grenoble.

Sur la base d’une définition floue, le bore-out toucherait un tiers des salariés, selon Christian Bourion. Sauf que ce chiffre est tiré d’un sondage conduit auprès de… personnes en recherche de travail, par un site d’offres d’emploi. La très sérieuse Dares trouve, elle, que seuls 2,3 % des actifs disent s’ennuyer « toujours » au travail, et 7,7 % « souvent ». « On est donc très loin du syndrome d'ennui généralisé », affirment les chercheurs, dénonçant le parti-pris de l’auteur : « Le vrai problème de la santé au travail ne serait pas la souffrance mais l’ennui, les salariés ne feraient rien et la cause de tout cela serait la surprotection des salariés. Dommage, il y avait mieux à dire sur la santé au travail. »

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