"L'infraction emblématique du harcèlement"

par Elisabeth Fortis professeure de droit pénal à l'université Paris-Nanterre / juillet 2019

"La prise en compte du suicide en matière pénale n'a rien d'évident. L'homicide involontaire, supérieur au harcèlement moral dans l'échelle des peines, est difficile à invoquer quand on est face à un acte volontaire de la victime. En outre, dans le cas de France Télécom, le comportement apparemment intentionnel des dirigeants exclut qu'une faute d'imprudence ait pu être la cause de l'acte. Il n'y a pas non plus violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité, car les conditions de travail relèvent d'une obligation générale. Le harcèlement moral est, dans cette affaire, l'infraction la plus proche des faits. Elle est certes décevante en termes de peines, sans commune mesure avec la gravité des faits : 15 000 euros et un an de prison pour les prévenus, 75 000 euros pour la personne morale. Mais elle est emblématique. Une condamnation fixerait les limites du pouvoir de direction quant à ses méthodes de gestion. En matière pénale, elle conforterait la reconnaissance du harcèlement institutionnel. Cela s'inscrit dans un mouvement de prise de conscience des violences morales dans la société."