Loup, y es-tu ?
Les bonnes nouvelles dans le domaine de la santé au travail sont suffisamment rares pour que nous ne boudions pas notre plaisir. Selon les chiffres de la dernière enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer), menée en 2010 sur les risques chimiques, les expositions aux produits cancérogènes ont diminué. Sensiblement. Par rapport à la précédente édition (2003), la proportion de salariés exposés est passée de 13 % à 10 %. Pour les auteurs de l'enquête, cette baisse peut être expliquée par des changements de procédés de production ou la substitution de produits cancérogènes par des produits moins dangereux. Il semble donc que le renforcement réglementaire décidé au lendemain de la catastrophe de l'amiante, l'accroissement des contrôles ainsi que la mobilisation de l'administration du travail comme de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécu commencent à porter leurs fruits.
Certes, ces premiers résultats encourageants demandent à être confirmés. Et il reste beaucoup à faire. Deux millions de salariés sont toujours exposés et certains secteurs, comme la maintenance ou le bâtiment, sont à la traîne. Ce n'est donc pas le moment de relâcher l'effort. Or, du côté de l'Inspection du travail, le projet de réforme du corps entrepris par le ministre du Travail fait craindre aux organisations syndicales une moindre efficacité du contrôle des entreprises, notamment des PME, et une plus grande subordination aux contraintes économiques et à l'emploi. Mêmes inquiétudes chez les agents des services prévention des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) face aux orientations de la direction des Risques professionnels de la Sécu. Y aurait-il un loup ? Il est en tout cas permis de s'interroger sur l'efficacité à venir du contrôle de l'hygiène et de la sécurité dans les entreprises.
Autre motif de satisfaction, le projet de réforme des retraites, qui sera examiné début octobre au Parlement, comporte un volet pénibilité enfin digne de ce nom. Le compte personnel de prévention de la pénibilité prévoit un dispositif à la fois de bonification des années d'exposition et d'incitation des entreprises à "limiter la casse". Applaudissements. Sauf que là, les loups chassent en meute ! Déjà, contrairement à ce que proposait le rapport Moreau sur l'avenir des retraites, il n'est pas prévu de prendre en compte les années d'exposition antérieures à l'entrée en application de la loi. Tant pis pour les salariés qui approchent de l'âge de la retraite et qui, usés par des années d'exposition au travail de nuit, aux postures pénibles ou aux cancérogènes, auraient bien mérité de partir un peu plus tôt. Ensuite, rien n'est prévu non plus pour inciter ou exiger des entreprises le maintien dans l'emploi des salariés vieillissants. Enfin, l'essentiel des dispositions qui détermineront l'entrée dans le compte personnel pénibilité est renvoyé à des décrets d'application. Et il n'est pas évident que, notamment sous la pression du Medef, qui a violemment critiqué le projet pénibilité du gouvernement, les bonnes intentions soient concrétisées à la hauteur des promesses. Ce ne serait pas la première fois que des "pigeons" criant au loup bousculent les bonnes intentions.