Maladies professionnelles : les délais de reconnaissance pourraient encore s’allonger
Une réforme de l’instruction des dossiers de reconnaissance des maladies professionnelles, actuellement à l’étude, pourrait bien allonger les délais et complexifier les procédures.
Selon le compte rendu d’un groupe de travail réuni à l’initiative de la direction de la Sécurité sociale (DSS) au ministère de la Santé, document que Santé & Travail a pu consulter, la reconnaissance des maladies professionnelles (MP) pourrait bien à l’avenir être plus compliquée… et plus longue.
C’est un constat partagé par tous les acteurs qui assistent et conseillent les victimes dans leurs démarches de déclaration en maladie professionnelle : les délais réglementaires d’instruction des dossiers par les caisses primaires d’assurance maladie ne sont pas ou plus respectés. « Tout le monde constate un blocage dans l’instruction de la reconnaissance des maladies professionnelles », rapporte François Dosso, militant CFDT qui défend les dossiers de MP des mineurs en Lorraine.
Depuis un décret d’avril 1999, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a légalement trois mois pour traiter les demandes et trois mois supplémentaires pour les dossiers difficiles. « Dans la pratique, comme aucune caisse ne parvient à traiter un dossier en six mois, elles envoient, au bout du délai, un refus à titre conservatoire à la victime, ce qui leur permet de prendre leur temps pour continuer l’instruction », poursuit François Dosso. Sauf que, à en juger par les mesures proposées par le groupe de travail de la DSS, plutôt que de lever les obstacles administratifs responsables de la durée de traitement des dossiers, ce sont les délais réglementaires qui devraient être allongés.
Tout le système de réparation serait touché
De quoi s’agit-il ? Officiellement, le groupe de travail était réuni pour réformer les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP). Ces comités traitent les dossiers qui ne rentrent pas dans le système principal des tableaux de MP, soit parce que tous les critères du tableau ne sont pas remplis, soit parce qu’il n’existe pas de tableau (comme c’est le cas, par exemple, pour la dépression ou le burn-out). Mais la réforme issue de ce groupe de travail devrait toucher l’ensemble du système de réparation. Ainsi, il est proposé de dissocier le temps d’expertise du C2RMP du délai d’instruction de la caisse. Ce dernier serait porté à cinq mois, auquel viendrait s’ajouter celui laissé au C2RMP, qui serait de trois mois. En outre, le compteur ne s’enclencherait que lorsque le dossier serait complet, « ce qui risque d’être une gageure pour des salariés qui ne maîtrisent pas le système, extraordinairement compliqué pour le commun des mortels », déplore François Dosso.
Autre proposition : la fusion du certificat médical initial (CMI), qui est établi par un médecin et fait un lien entre conditions de travail, expositions professionnelles et maladie, et le formulaire de demande de reconnaissance de MP qui, lui, est rempli par la victime. « Nous craignons que cela freine les médecins, déjà réticents à rédiger des certificats déclaratifs et qui préfèrent majoritairement écrire sur papier libre, explique François Dosso. Par ailleurs, nous considérons que c’est à la victime de choisir si elle veut déclarer sa maladie professionnelle, et non à son médecin. »
DES INSPECTEURS DU TRAVAIL S’OPPOSENT AU LOGICIEL WIKI’T
Trois organisations syndicales de l’Inspection du travail, CGT, Sud et FSU, se sont plaintes à la ministre du Travail des problèmes suscités par la mise en place de WIKI’T, un logiciel qualifié de « non ergonomique, chronophage et inadapté ». « Cet outil de suivi des activités transforme les agents de contrôle en agents de saisie, commente Pierre Boutonnet, inspecteur du travail, syndiqué Sud-Travail. Ils doivent saisir eux-mêmes énormément d’informations et leurs courriers, alors que nous avons des secrétaires, rebaptisés “assistants de contrôle”. Il est normal de rendre compte de nos activités, mais le temps pour notre mission, le contrôle en entreprise, est rogné. »
Un outil « mal pensé »
Un rapport d’expertise ergonomique a confirmé l’inadaptation de cet outil et la redondance des saisies. « Mal pensé, WIKI’T amène à ouvrir quinze à vingt fenêtres en même temps, poursuit Pierre Boutonnet. Il fonctionne sur le réseau, vite saturé. Alors que, dans notre fonction, nous préconisons que l’outil soit adapté à l’homme, nous vivons l’inverse avec des risques psychosociaux associés. » Autre motif d’inquiétude : l’usage « politique » du logiciel. « Il permet d’orienter notre activité vers les actions collectives nationales, ce qui nous détourne de la demande publique, à savoir les sollicitations directes et les situations constatées lors de nos contrôles, explique le syndicaliste. Enfin, beaucoup d’éléments vont servir à créer des bases de données inquiétantes, comme celle sur les représentants du personnel, avec leur nom, prénom, adresse et étiquette syndicale, dont on s’interroge sur l’utilité et sur l’usage qui pourrait en être fait entre de mauvaises mains. »