Maladies professionnelles : les députés mènent l’enquête
Lancée en février, la commission d’enquête parlementaire sur les pathologies professionnelles dans l’industrie met en visibilité, à travers ses auditions, les obstacles actuels à une meilleure prise en charge des risques et atteintes liés au travail.
« On veut faire un état des lieux des maladies professionnelles dans l’industrie, en sachant pertinemment que la question se pose ailleurs », affirme Pierre Dharréville, député PCF des Bouches-du-Rhône. Il est le rapporteur de la commission d’enquête parlementaire « sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination », lancée en février à l’initiative de son groupe parlementaire, Gauche démocrate et républicaine (GDR). Chaque groupe, en effet, a le droit de proposer une commission d’enquête par an. Le choix du groupe GDR s’est porté sur la santé au travail.
Quelle prise en charge ?
Composée de 18 membres, 4 secrétaires et 4 vice-présidents, en majorité issus de La République en marche (LREM), cette commission d’enquête a pour objectif de déterminer des propositions concrètes concernant la prévention des maladies professionnelles « éliminables », selon Pierre Dharréville. Une réflexion à laquelle il apportera son expérience politique d’élu sur le bassin industriel de Fos-sur-Mer. La commission a commencé par interroger plusieurs experts et acteurs institutionnels sur l’efficacité de la prise en charge des maladies professionnelles. Visibles sur le site de l’Assemblée nationale, ces auditions ont permis d’aborder entre autres les difficultés rencontrées par les victimes pour faire reconnaître l’origine professionnelle de leurs pathologies, la pénurie de médecins, médecins-inspecteurs et infirmières du travail, l’absence de tableau dédié aux atteintes psychiques, mais aussi la suppression des fiches individuelles d’exposition au risque chimique. Dévoilant au passage l’inertie des pouvoirs publics.
Focus sur la sous-déclaration
Le sujet de la sous-déclaration massive des maladies professionnelles a rapidement émergé au cours des débats. « Il est important d’investiguer sur les causes de cette sous-déclaration, car c’est un enjeu de santé publique », précise Pierre Dharréville. C’est aussi un enjeu financier, comme l’a montré l’audition de Jean-Pierre Bonin, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et président de la commission instituée par l’article L. 176-2 du Code de la Sécurité sociale, censée évaluer tous les trois ans le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail (AT) et des maladies professionnelles (MP). Suite à ses travaux, la branche AT-MP reverse ainsi à la branche maladie 1 milliard d’euros par an depuis 2015.
Les membres de la commission d’enquête sont aussi allés sur le terrain. Ils ont ainsi rencontré des élus du personnel et la direction de la raffinerie Total du Havre-Gonfreville, où une explosion, en novembre 2016, avait blessé quatre ouvriers sous-traitants. Ils ont reçu le 5 avril les représentants des sociétés d’intérim, afin de savoir comment ils appréhendaient la prévention des risques et le suivi de santé au travail des intérimaires, notamment concernant la traçabilité des expositions. Les organisations syndicales et patronales seront entendues bientôt, les auditions durant jusqu’en mai.
Des réflexions à recouper
Pour le moment, la commission, présidée par le député LREM de la Loire Julien Borowczyk, fonctionne en parallèle des deux missions lancées par le gouvernement à propos de la santé au travail : celle sur le système de prévention des risques professionnels, confiée à Charlotte Lecocq, députée LREM du Nord et également vice-présidente de la commission d’enquête ; celle sur la traçabilité des expositions au risque chimique, attribuée au professeur de médecine du travail Paul Frimat. Pierre Dharréville espère que « les réflexions se recouperont et se féconderont mutuellement ». Le rapport de la commission d’enquête, quant à lui, devrait être mis au vote en commission des Affaires sociales avant le 24 juillet. « Je me place dans la perspective d’un vote favorable, car, lors des débats, tous les membres montrent un réel intérêt, assure le rapporteur. Il émerge des propositions concrètes, qu’on portera au sein de l’hémicycle, dans le débat public et le monde de l’entreprise. »
L’agenda des travaux et la composition de la commission d’enquête, ainsi que les vidéos des auditions, sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.