Maladies professionnelles : les ratés des C2RMP
Une thèse de santé publique passe en revue les dysfonctionnements des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP), en auscultant le devenir de 65 dossiers de cancers en Seine-Saint-Denis.
Le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas au point. Censé compenser la rigidité du système principal des tableaux de maladies professionnelles pour les victimes qui ne répondent pas à tous les critères du tableau les concernant, ou pour celles dont la maladie ne correspond pas à un tableau existant, il est loin de remplir cet office.
Beaucoup de refus
C'est ce qui ressort de la thèse en santé publique soutenue par Sylvie Platel à l'université Paris 13, en novembre dernier1 . La chercheuse s'appuie sur un travail d'enquête minutieux mené sur 65 cas de salariés atteints de cancers en Seine-Saint-Denis et dont le dossier de reconnaissance a été transmis par la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP) d'Ile-de-France.
Composés du médecin-conseil de la Sécurité sociale, du médecin-inspecteur régional du travail et d'un praticien hospitalier qualifié, les C2RMP étudient le dossier du salarié afin de rendre un avis portant sur les causes et la genèse de la maladie. Ils ont à se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre la pathologie et le travail pour les maladies ne remplissant pas tous les critères du tableau (art. L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale, alinéa 3) et d'un lien direct et essentiel pour les maladies hors tableau (alinéa 4).
Or les expertises des C2RMP se montrent parfois plus fermées encore aux reconnaissances que l'instruction médico-administrative traditionnelle menée par les caisses primaires... Ainsi, pointe Sylvie Platel, pour l'ensemble des cas transmis en 2012 aux C2RMP, "55,6 % des demandes (9 317) étaient refusées". Et la chercheuse d'observer que, s'agissant des pathologies hors tableau, la majorité des cas ont été rejetés.
Elle note que le comité fait une lecture restrictive des textes réglementaires, ce qui constitue autant de freins à la reconnaissance des cancers professionnels : "On peut ainsi souligner que la mention des facteurs extraprofessionnels dans les argumentaires de rejet est fréquente, que le doute, fréquent, ne profite pas au patient, qu'il y a une logique d'accumulation de preuves impossibles à faire, spécifiquement dans le cas de pathologies comme les cancers, qui se déclarent plusieurs années après les expositions professionnelles. [...] Le comité ne se donne pas toujours les moyens d'établir un lien direct et essentiel entre une activité professionnelle et une pathologie liée au travail qui présente de possibles multiples facteurs probables." De surcroît, le patient et sa famille sont déconnectés du processus, "alors qu'ils pourraient parfois répondre à la demande de pièces manquantes".
Pas étonnant donc que, face à ces difficultés, les victimes et leurs familles déboutées par le C2RMP se tournent vers les tribunaux pour obtenir gain de cause. Avec sans doute plus de chances de succès, comme le démontre Sylvie Platel.
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Connaissance, expertise et reconnaissance des maladies professionnelles : système complémentaire et cancers en Seine-Saint-Denis.