Médecine du travail : une autre réforme est-elle possible ?
Réunis à Toulouse, en marge du Congrès national de médecine du travail, des professionnels de la santé au travail et des syndicalistes ont discuté des alternatives possibles à la réforme en cours lors d'un forum militant.
A Toulouse, le Congrès national de médecine du travail avait cette année un air de festival d'Avignon. Côté in : le congrès officiel, ses 3 500 inscrits réunis du 1er au 4 juin en séances plénières. Côté off : un forum sur la santé au travail, organisé le 1er juin par un collectif régional1 , réunissant des représentants du personnel, des médecins du travail, des universitaires et des préventeurs. " Ce forum a lieu chaque année depuis dix ans, explique Henri Sellier, de la fédération SUD Rail. Il permet aux différents acteurs concernés par les questions de santé au travail de mettre en commun leurs différents points de vue et de débattre d'une question donnée. " Les fois précédentes, différents thèmes avaient été abordés : maladies professionnelles, suicides, etc. Mais cette année, un sujet s'imposait : l'avenir de la médecine du travail.
Pour une agence nationale
Les intervenants sont revenus sur l'évolution de cette profession ainsi que sur les nombreuses menaces liées au futur projet de réforme. " Les orientations gouvernementales, présentées en novembre 2009 au Conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), reprennent des propositions patronales qui avaient été rejetées par les organisations syndicales ", précise Alain Carré, du syndicat CGT des médecins du travail des industries électriques et gazières (SMTIEG-CGT). " La médecine du travail est en soins palliatifs ", lance un autre orateur. Pour le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), une alternative est possible. Elle passe notamment par la suppression de l'avis d'aptitude, l'adoption de mesures pour préserver la démographie des médecins et par l'intégration de la médecine du travail dans le système de santé publique.
Ce syndicat préconise ainsi la création d'une agence nationale de santé au travail, qui fixerait des objectifs et coordonnerait l'action d'agences régionales, dont la mission serait de fournir des moyens aux services de santé au travail. Le financement de ces agences serait assuré par des cotisations des employeurs, mais les représentants des salariés disposeraient de la majorité au sein de leur conseil d'administration. Une réforme idéale, dont on ne retrouve pourtant aucune trace dans les orientations gouvernementales. " Bien que le ministère du Travail assure nous avoir écoutés ", indique Mireille Chevalier, du SNPST.
Jeanne-Marie Ehster, médecin du travail à La Poste et coauteure d'un ouvrage sur la santé au travail2 , plaide de son côté pour une autre solution, déjà mise en oeuvre pour les maisons du handicap : " Il serait possible de changer de gouvernance en passant du cadre juridique d'association loi 1901 à celui de groupement d'intérêt public (GIP). Cet outil permet d'institutionnaliser un partenariat entre public et privé, dans le but d'exercer une activité d'intérêt général. " Mais il faut une loi.
Rétablir une relation de confiance
Les syndicalistes présents dans la salle insistent, eux, sur l'urgence de rétablir une relation de confiance entre salariés et médecins du travail. " Les personnels n'ont aucune envie d'aller voir le médecin du travail, alors qu'ils continuent à témoigner de situations de détresse ", souligne le secrétaire d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de France Télécom. " Un fossé s'est creusé et c'est la crédibilité des médecins du travail qui est en jeu ", ajoute un délégué syndical de l'entreprise Altran. Ce ne sont pas les projets gouvernementaux de réforme qui vont les rassurer.
- 1
Le Collectif information santé, travail (CIST), qui regroupe le SNPST, l'union syndicale Solidaires, l'Union des familles laïques (Ufal), l'association Santé et médecine du travail (SMT), le SMTIEG-CGT, Attac ainsi que la fondation Copernic.
- 2
Menaces sur la santé au travail. Des médecins parlent, par Jeanne-Marie Ehster, Hervé Fonds et Nicole Zimermann, Pascal Galodé Editeurs, 2010.