Menaces sur l’inspection du travail dans le secteur aérien
Les syndicats des inspecteurs du travail exigent l’abrogation immédiate du décret publié le 31 octobre qui les prive de leurs prérogatives dans le secteur aérien. Face à leur colère, le gouvernement rétropédale et annonce qu’il va rectifier le tir.
Les inspecteurs du travail, et en conséquence les personnels des compagnies aériennes, l’ont sans doute échappé belle ! En novembre, les inspecteurs découvraient avec stupeur un décret gouvernemental, publié le 31 octobre au Journal officiel, qui les dépossède de leurs prérogatives et de leur indépendance dans le secteur aérien. Le texte instaure de fait un droit du travail light, un régime de faveur à destination des compagnies aériennes. Le tollé des syndicats a été immédiat. Dans un courrier adressé le 17 novembre au ministre Olivier Dussopt, signataire du décret, et à la direction générale du travail (DGT), l’intersyndicale (CGT-FSU-SUD-CNT) exige l’abrogation immédiate de ce décret qualifié de surréaliste. Les syndicats des personnels navigants aériens, eux aussi ulcérés par ce texte élaboré sans aucune concertation et publié en catimini, font de même auprès du ministère des Transports. Cette bronca unanime et spontanée a conduit le gouvernement à rétropédaler piteusement. Dès le 22 novembre, par une note interne, la DGT évoquait une « erreur d’écriture » de la direction générale de l’Aviation civile (DGAC, ministère des Transports) et annonçait la publication prochaine d’un « décret rectificatif » pour annuler les articles litigieux du décret.
Disparition envisagée des contrôles inopinés
Signé par la première ministre Élisabeth Borne, le ministre du Travail Olivier Dussopt, et celui des Transports Clément Beaune, le décret du 31 octobre parachève l’abrogation du Code de l’aviation civile et son intégration dans le Code des transports. Mais certains articles visent directement l’inspection du travail. Il prévoit notamment que les agents chargés de contrôler les infractions au Code du travail dans les compagnies aériennes doivent au préalable être « commissionnés » et « assermentés » par … le ministère des Transports. « Une façon pour la direction générale de l’Aviation civile de placer les inspecteurs du travail sous sa coupe ! », commente Gérald Le Corre, inspecteur du travail à Rouen et responsable des questions de santé au travail à la CGT de Seine-Maritime. L’inspecteur du travail serait obligé de se procurer auprès du ministère des Transports une habilitation avant tout contrôle, ce qui empêcherait de fait les visites inopinées dans les entreprises. Un précédent qui pourrait ensuite être décliné à d’autres secteurs, imaginent les syndicats : un inspecteur affecté à une zone rurale pourrait se voir contraint à une prestation de serment et à un commissionnement de la part du ministère de l’Agriculture ! Or, rappelle Gerald Le Corre, « un inspecteur n’a besoin que de sa carte professionnelle pour avoir le droit de mener dans toute entreprise de son secteur, des contrôles inopinés, de jour comme de nuit. »
Tentative de passage en force de la DGAC
Le décret du 31 octobre prévoit aussi que les copies des procès-verbaux relatifs à des infractions commises par les compagnies aériennes devront être transmis à la DGAC. « Nous sommes face à une attaque de notre indépendance et de nos prérogatives, dénonce l’intersyndicale des inspecteurs du travail, en ce qu’elle impose aux agents de l’inspection du travail des conditions pour pouvoir exercer leurs contrôles dans un secteur d’activité précis.» Un comble selon les syndicats, échaudés par l’attitude de la DGAC qui n’en est pas à son coup d’essai : dans plusieurs procédures pénales engagées pour des infractions au Code du travail commises par les compagnies aériennes, « la compétence de l’inspection du travail dans le domaine du transport aérien a déjà été remise en cause, par écrit et devant des juridictions, par l’administration en charge de l’aviation civile », rappellent les organisations syndicales dans leur courrier.
« On ne croit pas un seul instant à une erreur de plume ! », indique Gérald Le Corre qui imagine plutôt une nouvelle tentative de coup de force de la DGAC et des compagnies aériennes. « On fait face à une volonté persistante de rendre notre travail plus difficile. Pas seulement dans le secteur aérien. Dans le nucléaire par exemple, les industriels tentent de nous opposer les règles de la sûreté nationale pour empêcher les contrôles inopinés. L’inspection du travail est jugée trop libre, trop indépendante, par les autres ministères et par les industriels », estime-t-il. La vigilance reste donc de mise, et les syndicats des navigants de l’aérien continue de réclamer l’abrogation totale du décret du 31 octobre, porte ouverte selon eux au dumping social et à la fraude.