Monsanto condamné pour avoir dissimulé la toxicité d’un herbicide
Le groupe agrochimique Monsanto est responsable du préjudice subi par Paul François, agriculteur en Charente, des suites d'une intoxication aiguë au Lasso, un herbicide. Tel est, en substance, le jugement rendu le 13 février par le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon. Une première ! En effet, il est rare qu'une victime obtienne gain de cause sur toutes ses demandes en attaquant un géant de l'agrochimie comme Monsanto. « Nos demandes étaient axées sur les fautes commises par Monsanto, notamment sur l'absence d'information quant à la composition du produit, à sa dangerosité et aux mesures de protection à prendre », explique Me François Lafforgue, avocat de Paul François.
Du monochlorobenzène en quantité
Dans le cas du Lasso, l'étiquette mentionnait ainsi la présence d'alachlore dans sa composition, pour 43 % du produit, mais citait simplement le monochlorobenzène, un solvant toxique, sans autre indication, ce qui laissait penser qu'il n'était présent qu'en quantité infime. Or, il représente en réalité « 50 % de la composition », précisent les magistrats dans les minutes du jugement. Le monochlorobenzène « devait de ce fait être signalé comme tel avec ses précautions d'utilisation et ses dangers », ajoutent-ils. Pour obtenir cette information décisive, Paul François a dû faire analyser le Lasso, « puisque Monsanto ne donnait pas la composition de son produit », précise François Lafforgue.
Autre élément important versé au dossier : « des échanges de courriers entre Monsanto et le ministère de l'Agriculture belge montrent que Monsanto avait connaissance de la dangerosité des produits dès les années 1980 », ajoute l'avocat. Argument retenu par le TGI qui note que « la société Monsanto connaissait la dangerosité du monochlorobenzène (...) ainsi que les précautions d'usage à prendre ». Pour autant, ajoutent-ils, « la société Monsanto a manqué à ses obligations contractuelles (...) en vendant le Lasso sans informer exactement de la composition de ce produit, des précautions d'usage pour son utilisation, notamment par rapport aux risques d'inhalation alors qu'il s'agit d'un produit dangereux ».
Lors du procès, Monsanto a opposé à Paul François le fait que la vente de son produit était autorisée. Cet argument est régulièrement mis en avant par les industriels dès lors que leur produit fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. Sur ce point, le tribunal souligne que « l'autorisation de mise sur le marché du Lasso ne dispense pas de respecter les obligations générales de prudence et de diligence, d'information et de sécurité ». D'ailleurs, ledit produit a été interdit en France le 28 avril 2007.
Indemnisation du préjudice pour l'agriculteur
Au final, le géant de l'agrochimie, qui a fait appel, devra quand même indemniser Paul François du préjudice subi. Pour l'évaluer, le tribunal a désigné un neurologue et un toxicologue, qui doivent apporter leurs conclusions d'ici le 13 novembre 2012. Gravement intoxiqué en 2004 suite à une inhalation accidentelle de Lasso, l'agriculteur ne peut plus travailler aujourd'hui qu'à temps partiel. Il souffre de violents malaises, de vertiges, de moments d'absence et de chutes avec perte de connaissance. Sa pathologie a été reconnue d'origine professionnelle par le tribunal de Bordeaux, après un long combat de six années. En 2011, Paul François a également créé l'association Phyto-Victimes avec d'autres agriculteurs atteints de maladies liées à une exposition aux pesticides. Elle vise à informer sur l'impact de ces produits sur la santé, à aider les personnes malades, à améliorer la prévention et à faire évoluer les méthodes de culture pour « tendre vers des alternatives plus respectueuses de l'homme et son environnement ».