Muska TMS ou l'ergonomie presse-bouton
Depuis quelques semaines, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) met gratuitement à la disposition des entreprises et de leurs préventeurs un logiciel de prévention des troubles musculo-squelettiques : Muska TMS. Selon le site de l'Anact, ce " logiciel permet d'évaluer les risques de troubles musculo-squelettiques à partir de situations de travail filmées, puis de simuler l'impact des transformations dans l'entreprise ". Magique, non ? Un peu comme dans les mauvaises séries policières, il suffit de tapoter sur un clavier d'ordinateur et le logiciel se charge de vous trouver des informations capitales pour la suite de l'enquête. Sauf que, là, il ne s'agit pas d'énigme policière mais de prévention des TMS. Ainsi, donc, pour lutter enfin efficacement contre la première cause de maladies professionnelles, que plus de vingt ans d'actions de prévention n'ont pas réussi à endiguer, il suffisait d'un peu de génie informatique et on ne le savait pas !
Cette annonce sur le site de l'Anact provoque des débats et un certain malaise dans le petit monde de l'ergonomie. Sans renoncer à la modernité, on peut se demander comment un outil orienté sur le seul facteur biomécanique, faisant l'impasse sur les facteurs organisationnels, ne va pas envoyer ses utilisateurs dans le mur. Où sont passés les fondamentaux de l'ergonomie pour aborder la complexité du travail, les compromis réalisés par l'opérateur, l'origine plurifactorielle des TMS ? Et quid de l'indispensable dialogue social ?
Certes, l'Anact a bien spécifié que cet outil devait être utilisé par des professionnels aguerris, ayant une bonne expérience de l'analyse du travail. Mais dans ce cas, pourquoi l'afficher en libre service, dans une version ouverte aux amateurs et donc à toutes les dérives ? Nous aimerions être certains qu'il ne s'agit que d'une maladresse de communication, plutôt que d'un renoncement à une prévention durable des TMS, à laquelle cet outil risque de tourner le dos.