Négociations : pas d'accord sur la médecine du travail
Aucune organisation syndicale ne devrait signer l'accord réformant la médecine du travail. Le texte issu de l'ultime séance de négociation laissant craindre des dérives du système de santé au travail.
Dès le lancement, en janvier dernier, des négociations visant à réformer les services de santé au travail, les représentants des organisations syndicales ne se faisaient guère d'illusions sur leur issue, tant les divergences avec le Medef étaient profondes. Ils avaient vu juste. Le projet d'accord auquel sont parvenus les partenaires sociaux, le 11 septembre dernier, au terme de huit séances de discussion, est très loin d'emporter l'adhésion. " Ce texte n'a pas apporté de réponses vraiment satisfaisantes, notamment sur la gouvernance du système, déplore Jean-François Naton, de la CGT. Il a carrément éludé des thèmes cruciaux comme la question du mode de financement, qui est renvoyée à une commission de suivi chargée de faire un simple état des lieux. Plus grave, il comporte surtout des mesures qui sont véritablement destructrices pour notre système de santé au travail. "
Avis plus nuancé pour la CFDT, qui, si elle est déçue du résultat, note tout de même les évolutions du patronat : " Le Medef commence à admettre que les organisations syndicales puissent entrer dans les conseils d'administration des services de santé au travail : c'est un premier pas, explique Henri Forest. Le texte prévoit aussi que, dans les situations où des salariés sont déclarés inaptes et avant leur éventuel licenciement dans un délai de 21 jours, ce délai de carence soit désormais indemnisé par l'Assurance maladie. " Mais ces progrès ne sont pas suffisants pour emporter le paraphe de la centrale de Belleville.
Parmi les points les plus décriés par une majorité de syndicats, le projet de porter de deux à trois ans l'intervalle entre deux visites avec le médecin du travail pour tous les salariés qui ne sont pas exposés à des risques spécifiques. " Après le précédent de 2003 qui substituait à la visite annuelle une rencontre tous les deux ans, la régression se poursuit et fragilise toujours plus la nécessaire continuité de la surveillance médicale ", s'inquiète Alain Carré, de la délégation CGT. " Pire encore, cette visite triennale n'est même pas garantie, souligne Bernard Salengro, de la CFE-CGC. Des dérogations régionales pourraient en effet être accordées par les directions du Travail, lorsqu'il y a un déficit local de médecins du travail. "
Infirmier bouche-trou ?
Le projet prévoit cependant que les salariés puissent avoir, entre deux visites triennales, des entretiens médico-professionnels avec un infirmier de santé au travail. " On demande ainsi à ces professionnels de boucher les trous et de pallier la pénurie de médecins du travail, alors que ce n'est pas leur rôle au sein de l'équipe médicale ", regrette Mireille Chevalier, présidente du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST).
Autre préconisation critiquée, la définition de la notion d'inaptitude, décrite comme " une ou plusieurs contre-indications physiques ou psychiques entraînant une restriction pour le salarié de remplir une ou plusieurs tâches ". " En résumé, il suffit qu'un seul aspect parmi un ensemble de missions ne puisse être assuré pour qu'une personne soit déclarée inapte, précise Alain Carré. Le rôle du médecin du travail est d'adapter les postes de travail aux individus, mais certainement pas d'organiser une sélection de la main-d'oeuvre sur des critères de santé. "
A l'heure où nous mettons sous presse, selon nos informations, aucune organisation syndicale ne devrait signer ce texte. C'est donc maintenant aux pouvoirs publics de reprendre la main. Un dossier épineux de plus pour le ministre du Travail, Xavier Darcos, s'ajoutant à celui sur la pénibilité.