Les nomades du prospectus
Le secteur de la distribution directe d'imprimés dans les boîtes aux lettres est contrôlé à 95 % par deux grandes entreprises et la quasi-totalité des distributeurs sont embauchés en CDI. On pourrait donc s'attendre à la présence de normes professionnelles relativement bien régulées. Pourtant, comme le signale le sociologue Karel Yon (voir "A lire" page 27), alors qu'on comptait en 2011 environ 33 000 distributeurs, leur temps de travail cumulé n'atteignait que 22 500 équivalents temps plein. Les contrats sont généralement inférieurs au plafond d'ouverture des droits à la Sécurité sociale (60 heures mensuelles), pour un salaire moyen d'un peu plus de 600 euros par mois. Voilà pour les durées officielles, mais l'administration engage fréquemment des procédures pour travail dissimulé, car les distributeurs travaillent souvent bien davantage, sans contrepartie. Le taux de rotation de la main-d'oeuvre (nombre d'embauches et de départs par an) est très important, avec près d'un quart de départs par démission. Sans exigences sur la qualification, le secteur attire les travailleurs qui n'ont pas pu trouver mieux, et qui cumulent parfois plusieurs emplois : travailleurs immigrés, retraités, individus ayant connu des accidents biographiques (licenciement, faillite...). Les collectifs de travail sont inexistants. Chaque semaine, les distributeurs ne font que passer dans les centres qui stockent les imprimés, puis effectuent leur tournée seuls. On voit sur cet exemple que le type de contrat - des CDI, rappelons-le - ne garantit pas à lui seul des conditions de travail dignes de ce nom.