Nouveau souffle pour les verriers de Givors
La cour d’appel de Lyon a reconnu, le 17 novembre, que le cancer dont est décédé un ancien ouvrier de la verrerie de Givors était lié à une polyexposition à des produits toxiques. Une décision inédite qui devrait bénéficier à d’autres victimes.
Le 17 novembre dernier, la cour d'appel de Lyon a reconnu l'origine professionnelle du cancer du pharynx de Christian Cervantès, ancien ouvrier de la verrerie de Givors (Rhône) décédé en 2012, à l’âge de 64 ans. Pour la première fois, une décision statue sur le lien entre cancer et multiexposition à des produits dangereux (amiante, hydrocarbures et dérivés).
La cour a débouté la société OI Manufacturing (OwensIllinois), repreneuse de BSNGlasspack, ancien propriétaire du site, et la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de Lyon, qui avaient toutes deux fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) du 9 avril 2014 les condamnant, au titre de la maladie professionnelle, à prendre en charge les frais liés au cancer de M. Cervantès et à verser une rente à sa veuve. L’arrêt retoque aussi deux avis négatifs des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles de Lyon et Dijon, avis jugés « non motivés et critiquables ».
14 substances toxiques
« M. Cervantès a subi pendant trente-trois ans une polyexposition aggravée par un travail posté », dit l’arrêt. Les attestations délivrées à l’époque par le chef d’établissement et la médecine du travail listaient 14 substances toxiques dégagées sous forme de vapeurs ou de poussières, ayant pu affecter ses voies aérodigestives supérieures et respiratoires, ce qui permet de conclure à « une relation causale, essentielle et directe [...] entre la maladie et la polyexposition habituelle du salarié à des substances cancérogènes ».
« C’est une bonne nouvelle pour la famille, mais aussi pour les verriers », estime Laurent Gonon, de l'association des anciens salariés du site. Dans la foulée, la Cpam s’est engagée à rouvrir 32 dossiers de demandes de suivis médicaux post-professionnels, qu’elle bloquait jusqu’à présent. Sur les 227 salariés malades, 148 sont décédés et certains souffrent de trois, voire quatre cancers, rappelle l’AFP. La famille de Christian Cervantès a décidé de poursuivre l'employeur pour faute inexcusable.
AMIANTE : UNE DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT TRÈS CRITIQUÉE
Dans une décision très critiquée, le Conseil d’Etat a estimé, le 9 novembre dernier, que les Constructions mécaniques de Normandie (CMN) avaient raison de pointer « une carence fautive » des pouvoirs publics sur la législation concernant l’amiante avant 1977. La haute juridiction administrative a condamné l’Etat à verser à l’entreprise un tiers des sommes que celle-ci avait remboursées à l’assurance maladie, soit 350 000 euros pour la période antérieure à 1977, au nom du « partage des responsabilités ».
L’arrêt risque de faire « tache d’huile »
Les chantiers navals CMN ont été condamnés une centaine de fois en faute inexcusable pour avoir « sciemment exposé leurs ouvriers pendant des décennies à un risque mortel avant et après 1977 », souligne l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) dans un communiqué décrivant « les conditions de travail effroyables » qui ont fait déjà plus de 550 victimes et sont à l’origine d’une vingtaine de nouveaux décès chaque année. L’association dénonce une « véritable faillite de l’institution judiciaire » et craint que cet arrêt ne fasse « tache d’huile » en ouvrant la voie à des industriels de l’amiante comme Latty et Eternit, régulièrement condamnés et dont les dirigeants ont œuvré pour retarder toute réglementation trop contraignante.
Associations de victimes et juristes critiquent également l’arrêt du Conseil d’Etat pour avoir ignoré qu’avant 1977, s’il n’y avait pas de réglementation spécifique « poussières d’amiante », la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité dans les établissements industriels obligeait les employeurs à évacuer les poussières nocives à l’extérieur des bâtiments par des appareils d’élimination efficaces et à équiper les salariés de protections collectives ou, à défaut, individuelles.
CHIFFRES AT-MP 2014 : PAS D’AMÉLIORATION
La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) marque le pas. C’est ce qu’on peut conclure de la publication, la semaine dernière, des chiffres de la sinistralité des risques professionnels de l’assurance maladie pour l’année 2014. La tendance générale à la baisse des accidents du travail connaît un palier après deux années consécutives de diminution et certaines activités de services, comme l’aide à domicile et l’hébergement médico-social, connaissent une nette progression (+ 6 %).
Cancers de la vessie : à la hausse car mieux repérés
Du côté des maladies professionnelles, cela repart à la hausse également, mais très légèrement. Ce sont les troubles musculo squelettiques (TMS) qui occupent toujours, et très loin devant les autres pathologies, la première place, avec 87 % du nombre total de MP reconnues. Seules bonnes nouvelles, les accidents de trajet baissent fortement (– 7%) et les cancers dus à l’amiante reculent également de 3,7 %. En revanche, les autres cancers progressent de 10 %, de même que les pathologies psychiques. Mais pour ces deux types de maladies, ce sont essentiellement les conditions de la reconnaissance qui peuvent expliquer ces évolutions. Ainsi, l’augmentation des cancers professionnels est surtout due à la forte progression des cancers de la vessie du fait d’une campagne de repérage.
– Le site Basta ! s’interroge : « Les conflits d’intérêt ont-ils rendu myope l’Autorité sanitaire européenne ? » Celle-ci blanchit en effet le glyphosate, composant principal du désherbant Roundup, contredisant ainsi le Centre international de recherche sur le cancer (Circ)