Nuisances sonores : un risque à bas bruit
Alors qu'un salarié sur cinq est exposé à un niveau dangereux de nuisances sonores, les risques liés au bruit au travail sont insuffisamment pris en compte. Résumé d'une journée consacrée à leur prévention, organisée par le Centre d'information sur le bruit.
Les oreilles et l'audition sont trop souvent les parents pauvres de la prévention en santé au travail. Un constat partagé le 28 novembre dernier, lors des 2es Rencontres bruit et santé, organisées à Paris par le Centre d'information et de documentation sur le bruit (CidB) et consacrées aux nuisances sonores au travail. "Les préventeurs ne s'attaquent pas à la problématique du bruit car ils ont cette idée reçue que cela va leur coûter cher", indique Nicolas Mehier, ingénieur-conseil à la caisse régionale d'assuran-ce maladie d'Ile-de-France (Cramif). Or "ne pas la traiter coûte au moins 700 euros par actif et par an", a-t-il calculé, sur la base d'une étude sur le coût social du bruit, pilotée par le Conseil national du bruit (CNB) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Selon l'enquête nationale Surveillance médicale des expositions aux risques (Sumer) de 2010, un salarié sur cinq est soumis au travail à un niveau sonore de plus de 85 décibels - limite de nocivité pour l'oreille - pendant 20 heures ou plus par semaine. Et selon un sondage Ifop publié en octobre 2018, six actifs en poste sur dix déclarent être gênés à cause du bruit et des nuisances sonores sur leur lieu de travail. Pour les personnes interrogées, l'ambiance sonore joue directement sur celle de travail, la moitié d'entre elles estimant que cela provoque de la lassitude et de l'irritabilité, en plus de la fatigue.
Mise en tension permanente
"L'audition est notre sens d'alerte, elle doit fonctionner 24 heures sur 24 pour nous maintenir en vie, expose Alain Londero, médecin ORL à l'hôpital européen Georges-Pompidou. En situation de soins, par exemple, l'exposition au bruit ralentit la cicatrisation et favorise les infections, ce qui augmente le temps de rétablissement.En nous mettant en tension permanente, elle ne permet pas d'être serein. Pendant que nous occupons notre ressource vitale à lutter contre le bruit, nous ne la mobilisons pas pour nous sentir bien." Un cercle vicieux s'enclenche également avec le sommeil : sa qualité est troublée bien entendu par le bruit pendant la nuit, mais aussi par le stress accumulé du fait des nuisances sonores dans la journée. Ce qui entraîne un état de fatigue plus important le lendemain. Enfin, "la surdité survient quand, après avoir agressé l'oreille quotidiennement, la dose de perception de bruit est dépassée", explique René Gamba, président de la commission technique du Conseil national du bruit. "D'où l'importance d'agir en préventif", en conclut-il.
Des actions de sensibilisation au bruit ont été engagées chez GRTgaz, en 2016. "Beaucoup de gaziers ont terminé leur carrière avec des déficiences auditives, c'est inadmissible", estime Olivier -Serrière, responsable de maîtrise des risques dans cette filiale d'Engie. Les mesures du niveau sonore ont été multipliées et des atténuateurs de bruit ont été généralisés lors des opérations de maintenance, les plus bruyantes. "Attention à ne pas se laisser tenter par la réponse la plus rapide : mettre à disposition des équipements de protection individuelle, des bouchons d'oreille, met en garde Nicolas Mehier. Sans l'accompagner d'une sensibilisation, cela ne résout pas le problème à terme." Idem dans les open spaces."Si seul un traitement individuel est prévu, nous allons terminer avec un scaphandre sur la tête, alerte Elisabeth Pelegrin-Genel, architecte, urbaniste et psychologue du travail. Mieux vaut envisager un traitement collectif du bruit, en aménageant mieux les espaces de réunion et collaboratifs."
Un certain nombre de diaporamas présentés lors des 2es Rencontres bruit et santé sont disponibles sur le site dédié à l'événement : https://sonore-travail.bruit.fr