"On ne pense plus la dimension politique du travail"

par Anne Flottes psychodynamicienne du travail / octobre 2017

"L'affirmation récurrente que des "risques psychosociaux liés à l'organisation du travail" provoqueraient une souffrance inconnue auparavant interroge. Travailler, n'est-ce pas prendre un risque de souffrance et de plaisir ? Ce qui a changé, c'est qu'on ne pense plus la dimension politique du travail. On ne parle plus conflits d'intérêts ou de pouvoir ; on "préfère" croire que le bien-être au travail serait compatible avec les objectifs de compétitivité et de promotion pour tous, qu'il relèverait de la compétence des dirigeants et du professionnalisme des salariés. Mais écarter ainsi les mécanismes de l'exploitation est une illusion dangereuse. Favorisant plus la concurrence que les coopérations entre les salariés, plus la manipulation que l'écoute des usagers, elle finit souvent en déception, voire en culpabilité. La construction individuelle et collective de pratiques moins risquées suppose que les travailleurs analysent les contraintes, les espaces de liberté et les ressorts de leur activité. Cela ne peut être attendu du management. D'où le drame de la suppression du CHSCT, seul soutien possible d'un authentique débat sur l'activité de travail."