Yves Colombat dépolluant un boîtier télécom à Villefranche-d'Allier (03) - © Clotilde de Gastines
Yves Colombat dépolluant un boîtier télécom à Villefranche-d'Allier (03) - © Clotilde de Gastines

Orange : l’Inspection du travail saisit la justice sur les parafoudres

par Clotilde de Gastines / 11 février 2020

L’Inspection du travail a déposé un rapport au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale dans l’affaire des parafoudres radioactifs chez Orange. Ce document vient appuyer une plainte déposée en juillet pour mise en danger de la vie d’autrui.

Bientôt un nouveau front judiciaire pour le géant des télécoms ? Selon nos informations, Pierre-Yves Lagard, inspecteur du travail dans le Puy-de-Dôme, a déposé le 24 décembre dernier un rapport au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, qui porte sur l’exposition d’agents au risque radioactif généré par les parafoudres protégeant les lignes et les centraux téléphoniques. Ces techniciens, ainsi que des sous-traitants d’Orange, ont manipulé sans aucune information, ni protection, des millions de petits tubes à l’apparence inoffensive depuis les années 1970, ainsi que l’a révélé Santé & Travail, qui enquête sur le sujet depuis 2013 (voir ci-dessous « En savoir plus »). En réalité, ces parasurtenseurs étaient chargés en radio-éléments (radium 226, tritium, prométhéum 247, polonium 210). Si bien que l’irradiation des travailleurs par des rayons gamma et bêta, comme l’inhalation de gaz radioactifs tels que le radon, a provoqué de nombreux cancers.

Comme dans l’affaire des suicides

L’alinéa 2 de l’article 40 prévoit que tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République. Il a déjà été utilisé par l’Inspection du travail dans le dossier des suicides à France Télécom, ouvrant la voie au procès et à la condamnation de l’ancien patron de l’entreprise, Didier Lombard, fin 2019. Il semble donc que Pierre-Yves Lagard ait découvert, au cours de son enquête, des éléments susceptibles de constituer un délit dans la gestion de cette affaire. « On a pris ça comme un cadeau de Noël ! », se réjouit Franck Refouvelet, syndicaliste CGT et agent des lignes. C’est lui qui a assuré la dépollution des infrastructures d’Orange en Auvergne, avec l’aide d’Yves Colombat, dessinateur de réseau, et d’une équipe de volontaires élus du CHSCT.
Ce signalement au parquet intervient après que deux organisations, l’association Henri Pézerat et la fédération CGT des salariés des activités postales et de télécommunications (CGT-FAPT) en Auvergne, ont déposé plainte auprès du procureur de la République de Clermont-Ferrand pour mise en danger de la vie d’autrui. C’était en juillet dernier. « Le rapport de l’inspection et la plainte ont été transmis au pôle judiciaire de santé publique de Paris, explique Me François Lafforgue, avocat des plaignants. Après examen par un assistant spécialisé, les documents reviendront ensuite devant le procureur qui décidera s’il ouvre une information judiciaire. » Une source proche du dossier estime que « les deux lanceurs d’alerte ont fait un travail phénoménal et leurs alertes santé et sécurité au travail ont été sous-évaluées ».

Plus d’une tonne de déchets collectés

Entre 2011 et 2017, les syndicalistes chargés de la mission de dépollution ont collecté 200 000 parafoudres radioactifs, soit 1,4 tonne de déchets, à travers toute l’Auvergne. Ils intervenaient avec de simples masques à poussière, et non des masques à charbon actif, ce qui les a exposés à des risques d’inhalation de particules radioactives, en particulier dans les locaux d’entreposage non-ventilés. Même chose pour les autres équipes s’occupant de la dépollution ailleurs en France, largement composées de sous-traitants. En novembre 2018, les conclusions du cabinet Secafi, mandaté par le CHSCT dans le cadre d’une expertise pour risque grave, étaient sans appel et pointaient « une absence de rigueur dans l’application de la règlementation […]. Nous avons le sentiment qu’Orange persiste dans une approche globalisante, […] qui conduit à une minimisation de l’activité (donc de la dangerosité) des parasurtenseurs au radium. Cette sous-estimation peut être dommageable à la prévention des risques ». C’est maintenant à la justice de se prononcer.

 

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