Des parafoudres toujours aussi radioactifs

par Clotilde de Gastines / 04 avril 2017

Les parafoudres à radioéléments encore présents dans les installations d’Orange fuient. Et les équipes chargées de leur retrait sont exposées à des gaz radioactifs lors de leur transport ou de leur dépose dans les lieux de stockage.

Des salariés d'Orange (ex-France Télécom) et de ses sous-traitants inhalent des gaz radioactifs à leur insu. Toujours en cause, les parafoudres à radioéléments, ces ampoules en verre ou en céramique faisant office de fusibles, interdites depuis 1978 mais encore présentes sur certaines installations du réseau téléphonique et dont Orange a décidé le retrait dans le cadre d’un plan national. Les travailleurs en charge de leur transport et de leur dépose dans des lieux de stockage sont exposés à un risque d'inhalation de radon et de tritium, selon une analyse de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad).

Le CHSCT de l'unité d’intervention (UI) Auvergne de l’opérateur téléphonique, mobilisé depuis plusieurs années sur le sujet et en charge du plan de retrait sur la région, est à l’origine de cette alerte. Comme leur employeur refusait de faire mesurer les concentrations en radon sur le plus gros site de stockage, à Issoire (Puy-de-Dôme), deux membres du CHSCT, Franck Refouvelet et Yves Colombat, ont décidé d’effectuer des prélèvements et d’en confier l’analyse à la Criirad. Le local abrite 80 000 parafoudres radioactifs sur les 200 000 collectés dans toute l'Auvergne, soit 1,4 tonne de déchets à base de radium 226, tritium, krypton et prométhium, en attente d’une solution d’élimination définitive.

Fuites radioactives

L'air ambiant du local où sont entreposés ces déchets radioactifs est pollué, car les sources fuient et traversent les fûts en plastique où elles sont stockées. Mais c'est l'ouverture de ces fûts qui comporte le plus de risques, l'activité à l’intérieur étant très intense : 2 millions de becquerels par litre (Bq/L) pour le tritium, bien au-delà du seuil d’alerte de 100 Bq/L fixé par directive européenne. Pour le radon, la Criirad relève 91 668 Bq/m3, alors que les seuils d’intervention proposés sont à 300 Bq/m3. « Si vous respirez les bouffées de cet air cumulé pendant une à deux heures, vous dépassez le millisievert par an, la dose annuelle tolérée pour le public », précise Bruno Chareyron, de la Criirad, qui ajoute : « C'est très choquant qu’en 2017 la CGT doive se battre pour obtenir des mesures d’émanation au radon, alors qu'on sait, depuis notre étude de 2010, que ces parafoudres ne sont plus étanches. »   

Informée par le CHSCT, l'Autorité de sûreté du nucléaire estime que ces mesures ne sont pas « représentatives des expositions en situation de travail » et insiste sur le fait que les seuils ne sont pas dépassés à l'extérieur des fûts. Dans le local, rien n'indique pourtant les précautions à prendre au moment de la dépose. « Les fûts font 1 mètre 10 de haut, ça m'oblige à me pencher et à passer le bras pour éviter que les boîtes métalliques qui contiennent les parafoudres ne se renversent », décrit Yves Colombat. Sachant aussi qu’en dehors de l’Auvergne, cette opération est confiée à des sous-traitants.

Analyses complémentaires

Les syndicalistes portent des masques, des gants et un dosimètre de poitrine. « Mais ces dosimètres ne comptabilisent pas l'inhalation de particules ! », s'exclame Franck Refouvelet. En décembre dernier, Yves Colombat a lancé une procédure de danger grave et imminent sur le site de stockage de Montluçon (Allier), ce qui a déclenché des mesures de contrôle par une société indépendante : la Cerap. Des tests non concluants, mais dont la méthodologie est contestée par la Criirad. En attendant, le véhicule d'Yves Colombat, qui a servi au démantèlement des parasurtenseurs, et les 31 locaux de stockage des parafoudres ont été consignés, dans l'attente d'analyses complémentaires demandées par Orange et réalisées par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Signe que la société prend l'alerte au sérieux ? Sollicitée, sa direction n'a pas répondu à nos demandes.

À VOIR, À LIRE AILLEURS SUR LE WEB
  • – Retraite anticipée amiante : un décret du 28 mars ouvre aux fonctionnaires atteints d’une maladie professionnelle provoquée par l’amiante le droit de cesser leur activité de façon anticipée à partir de 50 ans, comme dans le privé.

    – Dans une tribune, publiée par Le Monde Economie, un collectif d’économistes, juristes, syndicalistes et chefs d’entreprise réclame une nouvelle définition juridique de l’entreprise, accordant plus de droits au comité d’entreprise et privilégiant l’éthique professionnelle face aux logiques financières.