Pesticides : les vêtements de protection sur la sellette
Dans plusieurs enquêtes, Santé & Travail avait mis en doute l'efficacité des équipements de protection individuelle contre les pesticides1 . Un avis de l'Agence de sécurité sanitaire confirme ces craintes et livre des recommandations.
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Lire, notamment, "Alerte aux combinaisons", Santé & Travail n° 59, juillet 2007, et "Pesticides : mauvaises combinaisons", Santé & Travail n° 69, janvier 2010.
Pas efficaces, pas portables, pas conçus pour l'agriculture... les équipements de protection individuelle (EPI) contre les pesticides sont toujours sur la sellette. Le 22 octobre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu public un avis attendu sur "l'efficacité de vêtements de protection portés par les applicateurs de produits phytopharmaceutiques". Elle l'a présenté dans la foulée lors d'une conférence sur l'état de la recherche en la matière1
Prudente, l'Anses constate que l'offre de vêtements et EPI permet de proposer "des solutions adaptées à de nombreuses situations d'exposition" et qu'"il existe" des EPI performants. Sur le terrain, le port des EPI "n'est pas toujours pratiqué" pour les tâches où il est requis. Les combinaisons certifiées ne sont pas confortables ni adaptées à toute activité. En revanche, les EPI partiels de type blouse à manches allient performance et confort. Un constat non généralisable, puisque certains ont montré de grosses défaillances, pointées par différentes études.
Partant de là, l'Anses préconise que le fabricant de pesticides fournisse, à chaque demande d'autorisation de mise sur le marché, "des résultats de tests sur les EPI qu'il recommande, réalisés avec son produit". Une avancée indéniable par rapport à la situation actuelle, qui mentionne seulement un équipement générique, sans essai avec le produit, même lorsqu'il s'agit d'un cancérogène. Par ailleurs, déclare Gérard Lasfargues, directeur général adjoint de l'Anses, "on ne peut ignorer qu'il y a des situations où les opérateurs ne peuvent pas porter d'équipement. Il faudra que nous prenions en compte cette dimension dans les autorisations de mise sur le marché des produits".
Transformer le bleu de travail en EPI
A travers cet avis, aussi, le simple bleu de travail, porté par la majorité des agriculteurs, apparaît en voie d'"EPIsation". Pour sortir d'une situation où l'on ne sait pas quel est l'EPI efficace ni s'il est porté en réalité, on transforme le bleu en EPI ! "Tout équipement porté qui revendique une protection doit être considéré comme un EPI, a soutenu Pascal Etienne, chef du bureau des équipements et des lieux de travail à la direction générale du Travail (DGT), lors de la conférence. Nous sommes en train de travailler à ce que le bleu de travail en devienne un, afin qu'il réponde aux exigences d'un EPI et que des essais avant mise sur le marché soient réalisés." Mais les normes européennes concernant les produits chimiques ne sont pas, note l'Anses, "pleinement adaptées aux usages agricoles". Il s'agit donc d'en créer de nouvelles, en s'inspirant de la norme internationale ISO 27065 sur les vêtements de protection contre les pesticides liquides.
"Le vêtement de travail "conforme" correspondra au niveau 1 de protection défini par la norme ISO, c'est-à-dire contre un produit présentant un risque d'exposition faible", précise Keshav Neermul, chargé des EPI à la DGT. Le projet de norme définit trois niveaux de protection et d'EPI, du bleu à la combinaison étanche, correspondant à trois classes de risque : faible, intermédiaire et avéré. Pour Alain Garrigou, maître de conférences en ergonomie à Bordeaux, "transformer les bleus de travail en EPI peut être un moyen de faire progresser leurs performances et de les rendre plus homogènes". Mais prévient-il, "il faut leur appliquer les contraintes des EPI ; si les normes réduisent ces exigences, on peut se demander si c'est une avancée pour la prévention"
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La conférence "Expositions professionnelles aux pesticides : enjeux pour la recherche, l'évaluation et la prévention", organisée avec la collaboration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, s'est tenue les 28 et 29 octobre à Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne.